Les fondements de l’écriture procédurale : images, espaces et algorithmie musicale de l’algèbre aux fractals.

Riemann arrivait dans un paysage  où chaque point… se transforme en musique. Une ligne de zéros le long de la mer.  

 Marcus dans Adieu au Langage de Godard

Cette recherche a été produite sous la tutelle du Laboratoire La Création Sonore dirigé par Serge Cardinal. (http://www.creationsonore.ca/)

Le son et l’image resteront à tout jamais fondamentalement irréconciliables de par leur nature. L’une est une onde mécanique, c’est-à-dire une onde qui nécessite un milieu de propagation comme l’eau ou l’air, tandis que l’autre est une onde électromagnétique qui peut se propager dans le vide. Malgré tout, nous avons toujours tenté de juxtaposer la perception de ces ondes dans les arts et d’en favoriser une juxtaposition harmonieuse et complémentaire. Que ce soit avec de vieilles tentatives techniques comme le clavecin oculaire de l’Abbé Castel (Rousseau, p.21) ou plus généralement dans l’optique de l’œuvre d’art totale, cette quête a su motiver le travail d’un grand nombre d’artistes et de chercheurs. En fait, sans prétendre que cela en est la raison principale, il est possible de prendre comme hypothèse que cette tendance s’explique, en partie du moins, par la convergence de ces informations dans notre système perceptif.

À partir de leur transfert en influx nerveux par le système perceptif, ces ondes ne deviennent qu’un type d’information et seule la région cérébrale parcourue diffère. Évidemment, dans la majorité des cas cet influx parcourt un trajet différent et des zones distinctes du système nerveux central s’en trouvent stimulées. La compréhension de l’influx nerveux comme moteur essentiel de la sensation a permis d’envisager une «synesthésie électromagnétique» menant à «réaliser l’utopie radicale de l’abstraction». (Rousseau, p. 33) Cette position laisse sous-entendre la possibilité de s’adresser à tous les sens à l’aide d’une même source, position qui prend une valeur particulière lorsqu’on envisage des processus cognitifs et des modes et schèmes de réflexion.

Il est important de mentionner que des expériences dites pseudo-synesthésiques -comme l’association de certaines sonorités à certaines formes- peuvent survenir même chez des personnes qui ne sont pas considérées comme synesthètes. (Sagiv, p. 4) Que ces expériences relèvent d’une synesthésie réelle ou non, cela permet malgré tout d’envisager la synesthésie comme base instrumentale de l’analyse neuronale de la métaphore, tel que proposé par Hubbard et Ramachandran (Sagiv, p. 4) Sans nous aventurer dans le fondement plastique de la métaphore dans notre système nerveux principal, nous voudrions voir comment l’écriture de structures abstraites permet une écriture synesthésique dans le sens où il est possible d’appliquer ces structures dans le spectre de plusieurs formes artistiques. Dans ce travail, nous n’inférons pas que les œuvres décrites induisent des expériences synesthésiques, nous désirons simplement prendre une position théorique qui favorise des transferts de structures entre différents médiums et paradigmes, entre différents sens et différentes applications artistiques. Telle que nous la définirons, nous voulons démontrer l’importance de l’étude de l’écriture procédurale en vertu de sa force unificatrice entre plusieurs disciplines, ce qui permet à la fois de prendre une position forte dans l’étude de réseaux d’œuvres et concepts et de proposer une stature multidisciplinaire de la recherche-création.

L’objectif de relier les structures musicales à d’autres structures macroscopiques a souvent servie de nombreuses pensées et mythologies. Par exemple celles des nombres, des calendriers et de la musique s’unissent dans les textes fondateurs de l’hindouisme (McClain) ou chez Kepler et ses successeurs (Field) Il semble donc que la musique se prête bien à cet exercice d’abstraction et nous voulons voir comment elle s’articule lorsque mise en parallèle avec des structures issues des arts visuels et des mathématiques.

Nous voulons tout d’abord définir une écriture dite procédurale qui nous permet de travailler directement dans l’abstraction. Nous définissons de nombreuses caractéristiques de cette écriture procédurale à travers la description et l’analyse d’un éventail d’œuvres qui se situent toutes aux croisements de divers disciplines et pratiques artistiques. Cela nous permet de saisir ces différentes œuvres dans une perspective commune afin de comprendre quels peuvent être les prochains défis compositionnels pour les artistes et chercheurs travaillant avec du matériel qui favorise la convergence de différentes modalités sensorielles, notamment l’ouïe et la vue. Bien entendu, il existe plusieurs frontières qui délimitent le territoire que peut explorer l’auteur de compositions musicales, d’œuvres visuelles, de structures abstraites et de procédures. Certaines frontières apparaissent naturellement entre les lieux de transition possibles entre les structures de composition, alors que d’autres découlent de la complexité même de ces structures. Cette dernière difficulté laisse prévoir les limites éventuelles de la compétence d’un auteur à concevoir à l’avance les différentes formes que son œuvre peut prendre, ce qui en souligne en même temps toute la richesse.

Afin de bien exposer ces faits, nous construisons notre travail par paliers. Nous débutons par présenter quelques exemples simples d’écriture procédurale afin d’en comprendre les rouages et d’en offrir une définition synthétique à la fin de la section 1.1. La multiplication matricielle, le motif de répétition et la figure de la fugue nous servent d’exemples qui permettent de bien démontrer comment l’écriture procédurale possède ce pouvoir de traverser différentes formes artistiques et paradigmes. Puisque les mathématiques font naturellement l’étude des structures, notamment des structures d’espaces, nous précisons à la fois comment les mathématiques, l’espaces et la musique peuvent être intimement reliés pour ensuite montrer comment certaines notions particulièrement présentes en mathématiques migrent aisément vers le domaine des arts, ce qui clos le premier chapitre. Une fois fort de ces constats, nous pouvons entamer le second chapitre avec le sujet central de cette étude qu’est la présentation de réseaux dans lesquels la juxtaposition de la musique, de l’espace et des mathématiques s’avère riche de complémentarités. Les principaux aspects abordés sont l’espace de la partition, la construction de rythmes et la théorie des groupes. Des exemples de réseaux d’œuvres et concepts se trouvent, entre autres, avec la théorie des pavages, l’espace de la partition musicale et les canons rythmiques, comme de considérer la partition comme un ruban de Möbius peut aider à comprendre les symétries présentent dans une partition. Nous présenterons un cas particulier qui brille par la richesse des apports théoriques qu’il sous-tend : les canons de Vuza. Finalement, dans le dernier chapitre, nous abordons la notion de fractale comme écriture procédurale afin de comprendre certains défis que contient encore ce type d’écriture, autant comme objet théorique qu’artistique.

L’ordre choisi ne reflète en rien l’importance relative des exemples discutés, le choix se justifie par l’échafaudage qui permet de comprendre graduellement les concepts importants tout en menant naturellement vers la compréhension des prochains exemples. Tout au long du texte, nous voulons démontrer la puissance de la prise de position autour de l’écriture procédurale par la force de cohésion qu’elle offre à la compréhension de différents corpus aux allures disparates ainsi que par la position privilégiée qu’elle permet dans l’acte de création.

1.1 Vers une définition de l’écriture procédurale :

L’écriture que nous définissons ne mène pas immédiatement vers le sens et l’affect. Elle ordonne, dicte des règles, énonce un ordre et des ordres. Elle est fonctionnelle car elle impose ou propose l’ordre des choses et cet ordre résulte en une structure. Nous pouvons trembler instantanément aux mots lourds de sens comme ‘’le Sublime’’, nous pouvons rester de marbre à l’écoute ou à la lecture des organisateurs logiques ‘’et’’ et ‘’ou’’ ou ‘’not’’ et ‘’nor’’ (1). Cela s’explique par le fait que pour un concept, selon le pragmatisme philosophique, «son sens s’identifie à l’ensemble des de ses conséquences pratiques» Malderieux, p. 23). Cette écriture d’organisateurs logiques nous intéresse car elle n’affecte pas directement, elle ordonne et organise en traçant des liens entre différents éléments. Peu importe les mots qui se côtoient de part et d’autre l’organisateur ‘’et’’, l’effet en sera le même, celui de la juxtaposition. L’ensemble du sens offert par cet organisateur se construit à l’aide de la pluralité des relations sémantiques qui peuvent découler de son usage.

La création d’un organisateur de la sorte permet donc de générer un ensemble de possibles. Dans ce cas il peut, par le choix des mots, générer la répétition, l’oxymoron et à l’énumération qui n’est que l’itération de ce principe. C’est sa structure de juxtaposition de ce qui vient avant et après qui permet la naissance de ces structures binaires. Or, il n’y a pas que la langue qui peut ordonner et dicter. De manière concrète, nous pouvons trouver plusieurs exemples qui dictent l’ordre et la structure avec différents niveaux de précision.

Une première écriture de la sorte est l’écriture à même la matière. Par exemple, il est possible d’écrire de la musique à même un disque vinyle vierge à l’aide d’une aiguille. C’était d’ailleurs l’idée d’Alexander Dillman qui croyait qu’une personne particulièrement habile arriverait même à y réécrire exactement les sons désirés, même la voix humaine (2). (Katz p. 104) Proposition que Moholy-Nagy voyait du bon œil en considérant qu’une entreprise de la sorte pourrait mener vers une compréhension d’une sorte d’alphabet scriptural qui mènerait vers de nouvelles compositions, voir même à la synthèse de sons encore inconnus (Levin, p. 51) (Katz, p. 105) L’écriture à même la pellicule cinématographique constitue un second exemple de cette écriture doté cette fois d’un degré plus large de liberté. L’écriture à même la pellicule, par le dispositif cinématographique, peut mener soit à des œuvres visuelles comme les œuvres de Vikking Eggeling, Hans Richter et Walter Ruttman ou sonores comme dans le travail de Pfenninger, Fischinger, Cholpo, Avraamov et plusieurs autres qui suivront leurs pas (3). (Figure 1)

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Figure 1: Graphical score by Boris Yankovsky. Source: http://asmir.info/graphical_sound.htm

Le cas des portes logiques (4) s’avère également important puisque il implique une ‘’lecture’’ particulière malgré l’absence d’un geste scriptural. En effet, leurs constitutions dictent des règles très précises du passage de l’électricité comme les sillons dirigent le passage de l’aiguille. Il en résulte, un peu comme dans le rêve que caressait Moholy-Nagy, une sorte d’alphabet propre qui traduit physiquement le principe des opérateurs logiques. Il est en fait possible de construire des portes logiques qui traduisent les fonctions ‘’et’’, ‘’ou’’ et la negation (5). (Grimaldi, p 719-720). Malgré une écriture à petite échelle, le résultat final peut s’avérer extrêmement puissant si un réseau contient un nombre suffisant de portes logiques. C’est en fait un point fondamental qui marque les possibilités qui se sont ouvertes avec l’arrivée des ordinateurs en termes d’écritures au sens large. Si les noms ont comme fonction de représenter des objets réels ou abstraits, quelques mots -les organisateurs logiques- sont en fait devenus des objets réels et cela n’a été possible justement que parce que ces mots ne représentent pas, ils sont une procédure, une fonctionnalité.

Le choix lexical d’écriture procédurale s’explique de plusieurs manières. Afin de bien comprendre son essence et le choix du vocable, nous devons la mettre en lien avec les notions de structure et d’algorithme.

La structure est la matière de fond, réelle ou abstraite, sur laquelle il est possible construire. Évidemment, la notion de structure peut dépendre de plusieurs niveaux d’analyse. Pour donner quelques exemples, nous pouvons parler de la structure interne d’une porte logique faite de transistors, de la structure d’une pièce faite d’un réseau de portes logiques et finalement de la structure d’un programme qui fait usage du processeur. De manière équivalente, nous pouvons parler de la structure d’un organisateur logique, de la structure grammaticale d’une phrase et finalement de la structure d’un texte. Un terme adéquat pour notre analyse doit alors nécessairement inclure un acteur externe. Certes la structure importe énormément, mais cela va obligatoirement de pair avec une lecture de cette structure, un passage au travers de cette structure. Cette lecture peut s’avérer être directement porteuse de sens, comme la lecture d’un poème, ou bien elle peut mener vers un résultat, ou une action comme dans le cas d’un programme informatique. Lors de cette lecture, voir interaction avec cette structure, cette dernière n’est pas obligatoirement rigide. Sa modalité peut être malléable et interactive.

La procédure n’est pas non plus strictement algorithmique. Tout d’abord, contrairement à l’algorithme, la procédure admet généralement une plus grande liberté. Ce sens précis du vocable vient du fait que la procédure est généralement effectuée par un être alors que l’algorithme sous-entend une application machinale. Ensuite, l’objectif de la procédure n’est pas obligatoirement de produire ou obtenir un résultat précis. La procédure peut se suffire en elle-même comme une œuvre d’art peut le faire.

En général, l’écriture peut être celle de l’idée, d’une structure imaginée et de sa procédure opérationnelle qui peut être celle d’une de lecture au sens large. Dans ce cas, la manière de retranscrire physiquement l’objet réfléchit n’importe qu’en second lieu. Ce point il s’articule clairement comme la clef de voûte de cette pensée en termes d’écriture procédurale puisque les instances précises de l’objet imaginé ne sont plus déjà que la mise pratique d’une structure et d’un ensemble de règles; une interprétation de la structure. L’écriture procédurale peut donc s’effectuer à plusieurs niveaux qui varient de la définition de la structure comme objet abstrait à une instance réelle qui exemplifie ou laisse sous-entendre une structure.

Cette écriture procédurale, peu importe les restrictions qu’elle implique, possède un pouvoir de transgression et de transposition qui s’applique à une cartographie aux frontières multiples. La structure peut transgresser les sens, les médiums, les langues, les paradigmes. Cette capacité de transgression est l’une des qualités qui donnent à l’écriture procédurale toute sa force puisqu’en ce sens la création d’une œuvre devient en fait la création d’un corpus de par ses multiples instances possibles. Comme de nombreux exemples le démontrent, elle génère aussi parfois un ensemble de savoirs qui s’obtient par l’analyse de la structure sous-jacente.

L’écriture procédure n’est donc pas l’écriture d’une œuvre précise, c’est l’écriture d’un ensemble de structures, de règles et de processus de lecture des structures et d’applications de ces règles. Elle se caractérise par un ensemble d’applications possibles extrêmement variés puisqu’elle contient un nombre de règles immuables jumelées à un certain degré de liberté, ce qui peut mener d’autres suites d’études et de résultats.

Une figure qui permet de bien comprendre cette écriture est la création de la multiplication matricielle. Une matrice est un tableau de données mxn, c’est-à-dire de m lignes et n colonnes (6). Un processus associé à ces structures est la multiplication matricielle, donc entre deux matrices. Pour bien comprendre cette définition, nous utilisons une matrice dont les entrées sont des nombres réels. La multiplication d’une matrice mxn et d’une matrice nxl donne une matrice mxl, pour m, n et l des nombres entiers. L’élément i,j, de ligne i et colonne j, est obtenue en calculant la somme du premier élément de la ligne i avec celui de la colonne j, avec le second de la ligne i avec le second de la colonne j et ainsi de suite. (Figure 2)

Figure 2

Figure 2: Multiplication de matrices 2×2

La multiplication de matrices implique donc deux autres opérations, celles de multiplication et d’addition des nombres réels dans notre exemple (si nous considérons que les lettres minuscules de la figure 2 sont des nombres réels). Le degré de liberté se trouve ici non pas dans la multiplication des structures, mais dans la règle multiplicative et additive des éléments de la matrice, ce qui donne lieu à plusieurs résultats possible. Par exemple, si les entrés sont des nombres réels et que la multiplication des donnés internes des matrices est la multiplication et l’addition entre les nombres réels et déjà ce cas particulier mène vers différentes applications. Lorsque nous avons une matrice d’une ligne (1xn) qui multiplie une matrice colonne (nx1), donc deux vecteurs, nous obtenons qu’une seule information numérique (1×1), cet exemple n’est rien d’autres que le produit scalaire. Le produit scalaire permet entre autre de définir que deux vecteurs sont perpendiculaires dans le plan si leur produit scalaire donne 0 (7).Si nous utilisons des matrices 2×2 dont les données sont des cosinus et des sinus d’un angle, nous pouvons obtenir l’équivalent de nombreuses transformations géométriques dans le plan, tel la rotation et la réflexion, processus souvent utilisés pour les graphiques fait par ordinateur. En insérant différent paramètres reliés aux lentilles, nous pouvons déduire plusieurs formules importantes (8). Raymond Queneau, de son côté, discute de remplacer les données des matrices par des mots (9) (Queneau, p.340-345). Dans ce cas, la multiplication des éléments internes des matrices est la concaténation de mots entrecoupés d’un espace, ce qui résulte en la construction de phrases. En plus d’applications diverses, la multiplication de matrice se généralise à la multiplication de tenseurs –sorte de matrices avec un plus grand nombre de dimension- objets qui servent à effectuer plusieurs calculs en relativité générale (10). Du point de vue sonore, il serait facile d’imagine d’autre règles qui permettraient d’utiliser la multiplication matricielle dans la composition musicale.

Un exemple fort simple de procédure qui possède une grande force de pénétration se reconnaît aisément dans la formule de répétition. En littérature, la répétition se traduite par la répétition d’un mot ou groupe de mots, l’extension de ce principe dans le plan permet à cette répétition d’acquérir des qualités plus proche des arts visuels avec des répétitions de mots dans plusieurs directions. Une fois libérée de la contrainte de directionnalité conventionnelle de lecture, la répétition peut s’effectuer sur plusieurs axes de symétries et même se contenir soi-même. Dans la figure suivante, il est possible de lire le mot palindrome dans le sens horaire et anti horaire si l’on se permet de lire les lettres la tête en bas. Il en résulte que chaque mot ‘’palindrome’’ contient des segments de ses propres répétitions. (Figure 3)

Figure 3

Figure 3 : Palindrome circulaire. Source : http://www.ecriture-art.com/ambigrammes/slides/palindrome.html

En musique la répétition d’un segment mélodique ou rythmique peut également s’effectuer tel quel ou à une symétrie près. Comme dans le cas précédent, la répétition peut aussi exister en elle-même et ce principe d’invariance d’échelle peut servir d’outil de composition. Pour une œuvre audiovisuelle la répétition peut trouver écho dans l’image. Un exemple simple et efficace de ce principe se trouve dans le vidéoclip réalisé Michel Gondry pour la pièce Star Guitar du groupe The Chemical Brothers (11). Dans ce vidéoclip, les sons sont associés à des éléments du paysage et la répétition des sons et motifs musicaux induit de ce fait des répétitions du paysage présenté.

Quels que soient les médiums et les sens impliqués, le motif de répétition est un exemple simple d’écriture procédurale qui possède cette qualité de traverser les frontières. Malgré des mises en pratique différentes qui peuvent mener à des effets tous aussi différents dépendamment du context (12), l’effet de base se ressent de manière extrêmement similaire. Le motif de répétition possède cette force de transgression qui lui permet de jouir d’une telle popularité d’une grande popularité, ce qui en fait une figure importante pour la grande majorité des arts.

La compréhension de l’écriture procédurale peut se complexifier lorsque qu’une œuvre est définie a priori dans un médium précis. Le roman Le naufragé de Thomas Bernhard démontre bien comment peut émerger de telles complications. Dans ce livre, l’histoire se déroule autour de trois pianistes -Weirtheimer, Glen Gould et le narrateur- et n’est constituée que d’un seul et très dense paragraphe. Dans cet énorme paragraphe l’auteur fait un usage savant de la répétition tout par la celle des pensées des personnages, des scènes et thèmes associés. Cependant, sa grande force tient dans la structure de la fugue qui organise harmonieusement les répétitions. Les trois mélodies entrelacées de cette fugue écrite sont en fait les histoires des trois personnages qui répètent sans cesse les mêmes pensées, repensent les mêmes scènes comme des thèmes mélodiques à des intervalles différents en tierces et quintes intercalées. Cependant, si la lourde présence musicale dans le livre semble légitimer la forme de la fugue comme lecture possible du roman de Bernhard, une thématique différente pourrait nuire à la déduction de cette structure. La migration entre les œuvres de structures préalablement définies dans un contexte artistique défini nécessite parfois la présence d’indices afin d’en faire une lecture adéquate, surtout lorsque ces structures atteignent un plus grand niveau de complexité. Il serait alors possible d’inversé cette perspective et de définir la fugue sur un domaine plus large que celui de la musique. Une définition possible serait : enchevêtrement décalés de figures semblables (13). À partir de cette définition, Le naufragé et une fugue de Bach appartiennent bel et bien au même corpus.

Les mathématiques sont une discipline qui travaille naturellement avec des structures et c’est la raison pour laquelle elle devient particulièrement efficace dans l’analyse des œuvres d’écriture procédurale. Si l’écriture mathématique d’une preuve peut déjà posséder son rythme et son style esthétique (14), (Rothstein, p. 137), des liens conceptuels existent également entre la musique et les mathématiques. Non seulement les deux font usage d’un langage hautement abstrait, mais pour citer David Lewin «In conceptualizing a particular musical space, we often conceptualize a family of directed measurements, distances, or motions of some sort». (Rothstein, p. 130)

Il y a alors la possibilité d’étudier ces différents mappings ou celle d’étudier les espaces dans lesquelles la musique est perçue soit en tant que telle, ou soit en tant que partition. Dans cette optique, les caractéristiques mêmes de cet espace peuvent influencer la composition. Pour ne nommer que deux exemples, on peut se référer au travail d’Iannis Xenakis qui s’inspirait des surfaces réglées (15) pour composer Metastasis afin de transmettre l’effet de glissando (Cross, p. 145) (Figure 4) ou bien on peut se tourner vers le travail de Hodges qui a étudié les symétries possibles de l’espace géométrique de la partition musicale. Dans tous les cas, l’analyse de l’espace d’insertion de la musique ou de toute autre structure devient utile à sa compréhension formelle et esthétique.

Figure 4

Figure 4: Metastasis (extrait) par Iannis Xenakis

Avant d’entreprendre l’étude de cas propres au corpus mixte des arts visuels et de la musique, il importe de revenir sur une caractéristique importante de l’écrite procédurale; elle peut effectuer une migration paradigmatique, par exemple entre celui des sciences et des arts. Nous étudions brièvement deux cas qui expriment ce fait.

La nouvelle La Bibliothèque de Babel de Jorge Luis Borges présente une version architecturale de l’une des formes de l’infini. Dans cette fiction, une bibliothèque contiendrait l’infinité des ouvrages possibles. Borges se sert principalement de trois modes structurels pour arriver à transférer la notion d’infini dans sa nouvelle. La première est celle d’un espace infini. En effet, pour contenir une infinité de livres, l’espace se doit d’être lui-même infini. Ensuite, il se sert de l’explosion combinatoire pour donner un ‘’sentiment’’ de la grandeur de cet infini. Il précise que cette fameuse bibliothèque contiendrait toutes combinaisons de lettres et toutes les combinaisons de mots possibles et que par conséquent elle contient toutes les histoires possibles. Pour quiconque a déjà travaillé avec la combinatoire, cet effet risque d’être plus marquant que la description du dédale infini. L’effort de calculer les combinaisons possibles d’ensembles de lettres et mots permettent aisément de comprendre cet infini d’une manière plus ‘’procédurale’’ puisqu’il sous-entend un acte constructif de cet infini. Finalement, un autre processus est traduit dans la nouvelle de Borges. Il est habituellement admis que l’ajout ou la soustraction d’une valeur finie à une valeur infinie ne change pas la nature de cette valeur, elle demeure infinie. En terme plus concis, l’infini moins x égal l’infini. Cette négation de la possibilité d’appliquer les règles algébriques conventionnelles permet une fois de plus de comprendre la nature abstraite de cette bibliothèque. Il est à noter que la négation de l’algèbre conventionnelle cache en fait un second ensemble de procédures, celle des opérations sur les nombres transcendants de Cantor. La logique de ces opérations apparaît clairement lorsque protagoniste s’aperçoit que la censure peut bien retirer des livres, cela ne change rien, le contenu de la bibliothèque reste le même puisqu’il demeure infini.

Un second schème important qui se traduit aisément autant en arts qu’en sciences et celui de l’autoréférentialité. Nous pouvons le concevoir comme une citation d’une œuvre en elle-même, ou comme une œuvre à plusieurs paliers ontologiques équivalents. Nombre d’œuvres font référence à elle-même, que ce soit dans les arts visuels (16), en musique (17) et en littérature (18). La forme de l’autoréférentialité se retrouve également en informatique puisque plusieurs programmes doivent réutiliser le résultat de son propre calcul. Il en résulte que le code doit se référer lui-même à maintes reprises. L’écriture autoréférentielle permet de construire des formes aisément transposables puisque sa logique peut être transmise facilement en motifs géométriques -comme il en est le cas pour les fractals- et soit ces motifs peuvent servir directement de partitions musicales à l’aide d’un ensemble d’instruction qui dirige son interprétation ou soit les règles d’itérations peuvent être appliqués sur des sons ou motifs musicaux (19). De plus, sa forme possède l’avantage d’être possiblement condensée; la formule itérative de la suite de Fibonacci (20) tient en une seule ligne et pourtant la structure qui en découle est riche d’informations, du nombre d’or (Grimaldi, p. 457) à ses liens intimes avec la suite de Stern-Bricot (Delahaye 2012). La formulation de la formule récursive pour l’ensemble de Mandelbrot est probablement le paroxysme d’une complexité infinie contenue dans à peine quelques caractères scripturaux.

Un cas particulier d’utilisation de l’autoréférentialité se retrouve dans la construction de paradoxes. Le paradoxe du menteur ‘’je mens’’, le paradoxe de Russel, son équivalent linguistique le paradoxe de Grelling (Vidal-Rosset, p. 26) ainsi que le paradoxe de Löb en sont de beaux exemples. Ils se ressemblent tous dans le sens où ils impliquent des situations dans lesquelles des éléments se contiennent eux-mêmes dans leur totalité. Si cette particularité implique des problématiques du point de vue de la logique formelle, cela n’est pas obligatoirement le cas dans une œuvre d’art.

Si nous acceptons que l’une des fonctions du paradoxe soit celle de l’élargissement des perspectives, alors nous pouvons concevoir la situation suivante : celle d’être simultanément dans un niveau supérieur et inférieur d’une hiérarchie ontologique. Cette situation n’est problématique que si nous concevons qu’une seule de ces situations est possible. Dans le cas contraire nous percevons cette double identité comme une extension des règles fondamentales d’un monde diégétique et nous acceptons que plusieurs niveaux ontologiques existent. Des telles situations se produisent dans les films eXistenZ (Cronenberg 1999) et Avalon (Oshii, 2001) et une transition continue entre les palliés ontologiques peut être trouvé dans la magistrale Galerie d’Estampes de Escher (21).

Si cette propriété possède une grande puissance de fictionalisation dans les arts visuels figuratifs, elle se limite à une variation de motif dans un contexte musical. Nous reviendrons sur l’autoréférentialité vers la fin de ce texte, mais à ce point soulignons l’importance de la capacité de l’écriture procédurale à transgresser les frontières; une fois une procédure écrite, il est possible de la faire migrer d’une œuvre à une autre et d’un médium à un autre jusqu’à ce que nous trouvions son plein potentiel.

Beaucoup d’autres exemples d’autoréférentialité mériteraient d’être étudiés afin de montrer la profondeur des liens que cette écriture peut tisser entre différentes disciplines. En première ligne se trouve l’œuvre maîtresse de Douglas Hofstadter Gödel, Escher, Bach qui expose un large éventail d’œuvres autoréférentielles dans l’optique d’aller donner une preuve instinctive du théorème d’incomplétude de Gödel. Il en va de même pour les réseaux d’œuvres qui font usage de la citation; si chaque œuvre travaille sous une forme de remake, de l’échantillonnage ou de la citation, l’ensemble d’un corpus peut ensuite être considéré comme autoréférentiel à l’aide des nombreux ponts exprimés entre les œuvres. L’écriture par citation inverse le procédé d’autoréférentialité vers l’extérieur afin de créer un réseau d’œuvres qui se citent entre elles, écriture qui possède également sa structure propre qui transgresse souvent le ou les médiums impliqués.

Après avoir démontré le pouvoir de migration de l’écriture procédurale, nous voulons à présent préciser notre recherche sur le cas particulier de l’écriture qui traverse à la fois les arts visuels et la musique. Cette écriture, comme nous le verrons, prend toute sa puissance à travers la force des concepts abstraits qu’elle implique. 

Images, espaces et algorithmie musicale :

2.1 Les écritures musicales

Maintenant que nous avons défini la notion d’écriture procédurale, nous voulons en démontrer toute la puissance à l’aide d’une zone de convergence particulièrement fertile ; celle où se rencontrent les arts visuels, la musique et les mathématiques. Précisions que nous limitons plus précisément l’apport musical à celui du rythme. Cet apport demeure indissociable de celui des études harmoniques, mais l’étude approfondie de l’apport harmonique s’éloignerait de la visée de ce texte. Seules les mentions particulièrement utiles viendront s’ajouter afin de laisser voir l’influence qu’a pu avoir cette étude connexe.

Nous voulons avant tout retracer brièvement l’écriture assistée par ordinateur et l’écriture algorithmique. L’une et l’autre peuvent servir la cause de l’écriture procédurale et peuvent trouver des applications qui se portent aisément vers les espaces et les sons. Quoique très proches, ces deux écritures demeurent distinctes. La seconde se réfère principalement à un processus presqu’automatisé alors que la première fait usage d’un outil pour lequel l’algorithme s’applique aisément, l’ordinateur.

Les premiers compositeurs à s’être intéressés à l’écriture musicale à l’aide de l’ordinateur sont Max Matthews et John Pierce aux laboratoires Bell. Le premier programme d’écriture musicale par ordinateur est développé par Matthews en 1957. Music I ne permet l’écriture que d’une ligne mélodie, mais les versions ultérieures permettent l’agencement de plusieurs voix (Palacio-Quintin, p. 18-19). L’écriture dans les programmes de Matthews se sert de graphes en guise de partitions ce qui le rapproche des différentes notations développées à la même époque par des compositeurs comme Cage, Feldman et plusieurs autres. La particularité du travail de Matthews est qu’il y a synthèse de sons, contrairement par exemple à la composition Iliac Suite de Lejaren Hiller travaillant à l’époque avec L.M. Isaacson à l’université d’Illinois et qui ne se sert de l’ordinateur que pour composer la partition qui à son tour sera interprétée par un quatuor à cordes[1]. L’écriture de Matthews se  définit comme procédurale en partie car elle se base sur une notation musicale qu’il définit afin de permettre un usage particulier de l’ordinateur. Celle-ci s’articule au niveau même de l’écriture du programme puisque la création d’une forme de partition différente permet d’ouvrir sur de nouvelles possibilités. De son côté, le travail de Hiller et Isaacson n’est pas procédural par la forme de la partition, mais par l’implémentation de processus stochastiques dans le processus d’écriture[2]. Se faisant, Hiller et Isaacson ont introduit une notion supplémentaire dans le processus d’écriture procédurale; l’algorithme implémenté dans l’ordinateur.

L’écriture musicale algorithmique trouve ses sources dans une procédure automatisée. Les componiums du 19ème siècle sont déjà de premiers exemples de machines à composer[3]. Dans cette lignée se trouvent également les pianos à cylindres. À la base ces cylindres contenaient des versions automatisées de pièces déjà existantes, ce qui n’en fait qu’une simple transposition. À l’inverse, une écriture plus minutieuse apparaît lorsque l’objectif est de reproduire le doigté même du pianiste, c’est-à-dire que l’écriture sur le support tente d’ajouter des nuances qui ne sont peut-être pas écrites sur la partition. Déjà présente dans la pensée du Père Marie Dominique Joseph Engramelle lors de sa transcription d’une interprétation de Claude Balbastre pour le traité de 1778 sur les orgues écrit par Dom François Bèdos (Feaster, p. 7-12), cette tendance a s’est poursuivie avec la transcription plus mécanique d’un grand nombre de pianistes de l’époque, comme Gershwin, Rachmaninoff, Joplin et d’autres[4]. Notons que la richesse des nuances d’une interprétation réelle mena également Evgeny Cholpo à inventer des instruments qui permettent d’enregistrer les variations de tempo, tel le Mélographe et l’Autopianographe[5] (Smirnov).

Or, il y a automatisation d’une composition, mais l’appartenance de ces cylindres à l’écriture procédurale reste malgré tout difficile à définir. Contrairement à la pratique de reproduire les nuances de l’interprète, la composition à même les rouleaux pour piano mécanique permettent l’écriture et l’interprétation automatisée de pièces qu’un pianiste ne pourrait pas jouer. C’est ce qui a motivé les études pour piano de Colon Nancarrow[6]qui voulait outrepasser la contrainte performative de l’interprète. (Slonimsky, p  190-191) Il en est de même avec les études pour piano mécanique de Tom Johnson[7]. Ces partitions se basent principalement sur des motifs géométriques qui sont interprétés comme tels par le piano mécanique, motifs possiblement inspirés en partie des études pour piano de Ligeti pour lesquels les motifs géométriques sont très apparents[8]. Dans ce cas, l’écriture musicale est subordonnée à différents motifs géométriques plutôt qu’à la dextérité de l’interprète. Cela marque une participation double à l’écriture procédurale, l’une par sa partition à mi-chemin entre le visuel et le musical et l’autre de par son interprétation automatisée, celle d’un automate qui possède la capacité de transformer cette structure visuelle en structure mélodique et rythmique. Pour comprendre ce fait, je peux tenter d’interpréter les structures géométriques présentent dans un extrait d’une partition de Nancarrow, dans notre cas un extrait de l’étude 49c (Figure 5). La section gauche de l’image donne l’effet de trois structures miroirs vaguement décalé sur l’axe du temps (de gauche à droite) et sur l’axe harmonique (de haut en bas). Cette interprétation géométrique peut-être justifiable en soi, mais il est important de comprendre da variété des apports de son interprétation mécanisée. Par exemple, l’axe harmonique pourrait aller de haut en bas. Également, une fois son interprétation mécanique peut mener vers des effets sonores différents. La lecture visuelle ne me permet pas de différencier l’effet produit par la suite de note précise. Peut-être que le premier triplet descendait de la structure en miroir de du haut entre plus aisément en résonance avec la structure ascendante de la seconde structure en miroir en vertu d’une tonalité similaire, ou simplement avec celle de la troisième structure en miroir. Tous ces effets dépendent de la lecture automatisée précise de la partition.

Or, il y a automatisation d’une composition, mais l’appartenance de ces cylindres à l’écriture procédurale reste malgré tout difficile à définir. Contrairement à la pratique de reproduire les nuances de l’interprète, la composition à même les rouleaux pour piano mécanique permettent l’écriture et l’interprétation automatisée de pièces qu’un pianiste ne pourrait pas jouer. C’est ce qui a motivé les études pour piano de Colon Nancarrow[6]qui voulait outrepasser la contrainte performative de l’interprète. (Slonimsky, p  190-191) Il en est de même avec les études pour piano mécanique de Tom Johnson[7]. Ces partitions se basent principalement sur des motifs géométriques qui sont interprétés comme tels par le piano mécanique, motifs possiblement inspirés en partie des études pour piano de Ligeti pour lesquels les motifs géométriques sont très apparents[8]. Dans ce cas, l’écriture musicale est subordonnée à différents motifs géométriques plutôt qu’à la dextérité de l’interprète. Cela marque une participation double à l’écriture procédurale, l’une par sa partition à mi-chemin entre le visuel et le musical et l’autre de par son interprétation automatisée, celle d’un automate qui possède la capacité de transformer cette structure visuelle en structure mélodique et rythmique. Pour comprendre ce fait, je peux tenter d’interpréter les structures géométriques présentent dans un extrait d’une partition de Nancarrow, dans notre cas un extrait de l’étude 49c (Figure 5). La section gauche de l’image donne l’effet de trois structures miroirs vaguement décalé sur l’axe du temps (de gauche à droite) et sur l’axe harmonique (de haut en bas). Cette interprétation géométrique peut-être justifiable en soi, mais il est important de comprendre da variété des apports de son interprétation mécanisée. Par exemple, l’axe harmonique pourrait aller de haut en bas. Également, une fois son interprétation mécanique peut mener vers des effets sonores différents. La lecture visuelle ne me permet pas de différencier l’effet produit par la suite de note précise. Peut-être que le premier triplet descendait de la structure en miroir de du haut entre plus aisément en résonance avec la structure ascendante de la seconde structure en miroir en vertu d’une tonalité similaire, ou simplement avec celle de la troisième structure en miroir. Tous ces effets dépendent de la lecture automatisée précise de la partition.

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Figure 5: Colon Nancarrow, Piano Study No. 49c (Extrait) Source : http://www.nancarrow.de/arbeitsweise.htm

Notons que plusieurs autres compositeurs, tels James Tenney[9], ont également travaillé ce type d’écriture.

L’acte d’écriture peut également s’inspirer fortement des mathématiques, ou même d’une géométrie propre à celles-ci. Tom Johnson s’est inspiré directement des fonctions sinusoïdales pour la composition Cosinus pour piano (Figure 6). (Delahaye 2004, p. 90) Le transfert de structure est double, il y a  d’abord le transfert de la forme visuelle du graphique de sin(x) vers la forme de vague dans l’espace de la partition et ensuite celui de la forme de vague visuelle vers l’effet de vague sur les fréquences. Par conséquent, un oscilloscope pourrait directement nous redonner la partition de Johnson. Cet exemple démontre comment une structure, si elle est bien établie, se transfert d’un médium à un autre et que la relation inverse devrait également tenir.

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Figure 6: Cosinus pour piano de Tom Johnson. Source: Pour la Science nu. 325

Si la forme de la partition permet de mettre en lien des structures tonales et des structures visuelles elle permet aussi de modifier la manière de percevoir théoriquement la musique. Elle ajoute non seulement une dimension visuelle à la musique, dimension qui est le réel prolongement d’un même objet abstrait, mais elle justifie également l’étude théorique de la musique basée sur la potentialité de son support écrit. En effet, la partition, ou forme simplifiée de la partition, peut servir comme objet ou modèle d’étude. Tel est le cas avec la représentation de rythmes comme des mots binaires ou comme structures cycliques. Avant que de se plonger plus en profondeur dans l’étude de la forme de la partition, voyons un premier cas de partition musicale simplifié qui permet une étude musicale particulière et qui a mené vers une forme d’écriture algorithmique fort intéressante.

Demain et ses associés ont démontré une relation puissante qui peut être tissée entre la construction de rythme et un vieil algorithme; l’algorithme de division d’Euclide. Cet algorithme permet de trouver le plus grand commun diviseur entre deux nombres (Grimaldi, 232-233). Pour obtenir ce nombre, on applique la procédure suivante : à partir de deux nombres a < b nous regardons combien de fois ce nombre a entre dans b. Nous prenons le reste de cette division r1 et nous regardons combien de fois il entre dans a. Nous regardons ensuite combien de fois reste de cette division r2 entre dans le reste r1 et obtenons un nouveau reste r3 et ainsi de suite. Lorsqu’un reste divise parfaitement le reste précédent du processus, ce reste est le plus grand diviseur commun. (Grimaldi, p. 232) Voici un exemple de cette procédure à partir de 242 et 39:

242 = 6×39 + 8

39 = 4×8 + 7

8 = 1×7 + 1

7 = 7×1

Le plus grand commun diviseur de 242 et 39 est 1, ils sont donc relativement premiers par définition.

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Figure 7: Interprétation géométrique de l’algorithme d’Euclide pour 40 et 15.

Encore une fois les auteurs travaillent à la fois sur l’axe du rythme que sur l’axe tonal, nous allons toutefois nous restreindre à l’aspect rythmique de leurs résultats. La première étape est de modifier la partition musicale sur laquelle nous travaillons. Puisque nous n’observons que le rythme et que nous voulons ce rythme soit cyclique, nous allons simplement travailler sur un graphe cyclique à n points, pour n le nombre de temps du rythme étudié. (Figure 14) Chaque point peut être colorié en noir ou en blanc afin de lui donner une valeur de temps marqué ou non. Une seconde notation utile est la notation en boîte équivalente à celle utilisée en Corée. Par exemple, le rythme du Son s’exprime comme [1001001000101000][10] avec les 1 représentant les temps marqués et les 0 les silences[11].

Plusieurs rythmes simples sont souvent bien espacés ou uniformes[12], par exemple le rythme [10101010] possède des intervalles réguliers de 2. Cette régularité est possible car le temps des intervalles divise sans reste le nombre de temps du rythme. Les rythmes deviennent plus intéressants lorsque ces deux valeurs sont des nombres premiers relatifs, c’est-à-dire que leur seul diviseur commun est 1. Il est possible de définir plusieurs mesures afin de classifier ces rythmes.

Parmi les mesures rythmiques existantes, Demain et ses associés étudient les rythmes à partir de la notion de la somme des paires des distances euclidiennes sur le cercle, telle que définie par Block et Douthett (Demain et al., p. 5) Dans ce système, si sur le cercle les temps marqués sont consécutifs ils possèdent une distance de 1, s’ils sont séparés par un silence ils ont une distance de deux et ainsi de suite. Les rythmes qui maximisent l’uniformité sont les rythmes dont la somme des distances entre toutes les paires de temps marqués est maximale.

Un rythme est dit Winograd profond si dans un rythme cyclique à n temps, chaque distance entre les temps possède un nombre d’occurrences uniques dans ce cycle, cette occurrence doit aussi être plus grande ou égale à 1. Par exemple, dans le rythme [111010] à six temps, la distance 1 apparaît 2 fois (entre le temps 1 et 2, et entre le temps 2 et 3), la distance deux apparaît trois fois (entre le temps 1 et 3, entre 3 et 5, et entre 5 et 1) et finalement la distance 3 apparaît une seule fois (entre 2 et 5)[13].

La notion de Winograd profond reste restrictive, puisqu’en imposant l’apparition de chaque distance possible au moins une fois, cela requiert que la moitié des temps soient marqués. Il est alors possible de définir les rythmes Erdös profond de manière plus générale en n’imposant pas la restriction que chaque distance doit apparaître au moins une fois. Par conséquent les rythmes Winograd profond ne forment qu’un sous-ensemble des rythmes Erdös profonds. Cette extension permet désormais d’inclure des rythmes comme celui de la bossa nova [1001001000100100]. Dans ce rythme, les distances 1 et 2, 5 et 8 n’ont aucune occurrence, mais la distance 3 a 4 occurrences, la distance 4 a une occurrence, la distance 6 a 3 occurrences, la distance 7 a 2 occurrences. Nous revenons alors à l’algorithme euclidien.

En travaillant sur le voltage dans un accélérateur à neutrons, Bjorklund rencontra également le problème de l’uniformité maximale pour k signaux dans n intervalles. Pour obtenir cette maximalité, il utilisa la procédure équivalente à l’algorithme d’Euclide. Supposons de manière équivalente au modèle rythmique que les signaux sont des sons marqués parmi une séquence de n temps. Pour 5 temps marqués parmi 12 temps, l’algorithme de Bjorklund débute ainsi :

111110000000

Nous associons à chaque 1 un des zéros et nous laissons le reste en suffixe :

101010101000

Nous procédons de même avec les deux zéros restants :

100100101010

Ensuite, nous appliquons la même opération sur les deux des trois paires de 10 restants puisque nous pouvons les associer aux deux triplets de 100 en début de ligne. Lorsqu’il ne reste qu’un groupe à la fin, nous avons terminé la procédure.

100101001010

La structure de l’algorithme de Bjorklund est la même que celle de l’algorithme d’Euclide[14]. Nous regroupes des éléments et réutilisons les restes de manière itérative. Les rythmes euclidiens sont les rythmes obtenus par cet algorithme à partir de nombres relativement premiers de 1 et de 0. Ces rythmes sont également les rythmes d’uniformité maximale.

Le principal résultat de Demain et ses associés est de démontrer qu’essentiellement tous les rythmes euclidiens sont Erdös profond[15]. En plus d’être un résultat théorique fort intéressant, il s’adonne que ce principe semble posséder une application naturelle dans divers rythmes complexes que l’on retrouve à travers le monde. En effet, en appliquant l’algorithme d’Euclide sur plus paires de nombres relativement premiers, Domaine et ses associées ont retrouvé plusieurs rythmes présents dans des musiques traditionnelles de Macédoine, Bulgarie, Turquie, Brésil, Cuba, Roumanie, Inde ainsi que des rythmes présents chez les Pygmées. Comme ils le mentionnent, la complexité liée à l’asymétrie de ces rythmes que l’on retrouve à travers le monde, peut expliquer leur popularité[16]. (Demain et al., p. 5)

Il s’ensuit que ce travail est un exemple parfait d’écriture procédurale autour de la notion de rythme. En définissant une procédure, cette de l’algorithme d’Euclide, il est possible de générer des solutions mathématiques, mais aussi musicales et visuelles par la forme de la partition rythmique[17]. La force de cette procédure traverse plusieurs domaines et cultures .Nous verrons plus loin l’exemple des canons de Vuza qui poussent encore les limites de cette interdépendance.

La forme globale de la partition a déjà intéressé d’autres compositeurs. Un exemple qui date déjà est la partition de Baude Cordier pour son canon cyclique Tout par compass suy composé[1]. Dans cette œuvre, la forme structurale de la pièce est reflétée dans la forme de sa partition, point qui devriendra fondamental dans la prochaine section.

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Figure 8: Tout par compass suy composé de Baude Cordier. Source : http://www.gordsellar.com/2014/12/09/baude-cordier-pando-and-the-lifecycle-of-radical-music/

La partition musicale standard peut également limite parfois les nuances que le compositeur veut mettre sur papier. Nous avons déjà vu que problème existait déjà en terme de reproduction d’une interprétation, mais l’équivalent existe également directement au moment de la composition. Un des premiers compositeurs à avoir retravaillé la forme même de cette écriture musicale occidentale est Henry Cowell pour sa composition The Banshee. Afin d’obtenir des effets particulier, Cowell se voit dans l’obligation d’inventer plusieurs symboles qu’il explique en annexe à sa partition afin d’en permettre la bonne interprétation. Ce principe sera repris par plusieurs compositeurs autant en Europe avec des compositeurs comme Edgar Varèse, Pierre Boulez et Karlheinz Stockhausen qu’aux États-Unis avec Morton Feldman, John Cage, Milton Babbitt et plusieurs autres. Les possibilités offertes par les partitions qui n’utilisent plus la portée a motivé plusieurs compositeurs à explorer et réinventer la représentation graphique de la musique.

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Figure 9: Karlheinz Stockhausen. http://www.musicainformatica.org/topics/upic.php

Il n’est pas étonnant de voir que cette tradition se perpétue dans l’écriture musicale par ordinateur. Nombre de programmes proposent des interfaces interactives qui proposent un bon nombre de principes similaires à ces partitions graphiques. Le programme de Matthews offrait déjà une présentation graphique dans les années 50 et peu après celle de UPIC de Xenakis permettait d’écrire directement sur une surface sans passer par la retranscription note par note (Verdier c, p. 81) Plusieurs programmes de compositions par ordinateurs utilisent encore ce principe de synthèse graphique.

Dans le mouvement qui a rapproché les nouvelles formes d’écritures musicales et la peinture d’artistes comme Rothko, Jasper Johns et d’autres, la forme de la fugue est peut-être la forme musicale qui a inspiré le plus grand nombre d’œuvres visuelles. Des artistes tels que Vassily Kandinsky, Adolf Hölzel, František Kupka et Paul Klee ont tous peint des toiles faisant explicitement référence à la fugue et qui, à l’aide de motif abstrait, reprennent les motifs d’entrelacs à plusieurs voix en projetant ce principe par des entrelacs de formes et couleurs (von Maur, 2005). La beauté du fondement de ce principe de transposition vient d’une double possibilité; celle de travaillé le principe visuel de la fugue de manière macroscopique afin d’en favorisé une réception visuelle similaire comme il en est le cas pour les peintres mentionnés, mais aussi la possibilité d’en reprendre des règles d’écriture microscopique qui peuvent ensuite mener à une étude fonctionnelle de la fugue et de ses dérivés.

Une des plus belles évolutions de structure vient du canon. Par son principe de base relativement simple, la recherche sur les structures des canons a mené à de belles découvertes. Le premier effort important dans l’étude des canons est l’omission de la dimension harmonique afin de n’étudier que le rythme en soi, entreprise dont le premier pas significatif est dû à Olivier Messiaen (Andreatta 2013, p. 64). Déjà, dans son Traité de rythme, de couleur et d’ornithologie, le compositeur distingue la possibilité de construire des canons à l’aide de rythmes non rétrogrades, c’est-à-dire des rythmes symétriques par rapport à un de ses temps, c.-à-d. des rythmes palindromes. Parmi les observations faites par Messiaen, il y a le résultat que la concaténation de rythme non inversible de mêmes durées résulte en un nouveau rythme non inversible. En d’autres mots, la concaténation de palindromes possédant le même nombre de lettres donne également un palindrome. (Andreatta 2011, p. 16). Il est encore possible d’explorer davantage cette vision géométrique de la musique. Revenons pour un instant à des considérations qui incluent encore l’harmonie.

Hodges a remarqué qu’il est possible de mettre en lien le plan cartésien et l’espace de la partition musicale conventionnelle. Ou, pour reprendre les mots de Cucker à cet égard : « embed the space where music lives into the Euclidian plane » (p. 188). Or, pour se faire, il est important d’en concevoir les limites. Contrairement au plan cartésien dont les deux axes peuvent a priori posséder la même sémantique, ou le même type d’information, le plan musical lui distingue clairement l’axe des x qui prend la valeur temporelle et l’axe des y qui contient les informations sur la hauteur des notes. Il découle de ce fait qu’en voulait interpréter la valeur géométrique d’une partition, il nous est impossible de considérer les opérations qui permutent ces deux axes. Par exemple, les rotations de 90 degrés sont en générales proscrites[2]. Il est possible malgré tout d’aller chercher bon nombre de symétries qui permettent de classifier les formes géométriques possibles du plan (Hodges, p. 99)

Encore une fois selon les mots de Cucker, les canons perpétuels deviennent alors une « musical version of a frieze» (p. 194) Dans le langage mathématique, l’ensemble des opérations symétriques –qui laisse le résultat visuellement intacte – sur une bande infinie se nomme le groupe de frise[3]. Ce sont en fait les différentes manières de recouvrir une bande infinie à partir d’un motif de base et quelques opérations géométriques. Il est possible de classifier les frises de par les opérations de symétries qui permettent de conserver la frise intacte; ce sont en fait également les opérations qui permettent de recouvrir la bande à partir d’une figure initiale. Pour Hodges, les opérations possibles sont les translations, les rotations de 180 degrés et les réflexions horizontales et verticales[4]. Ces symétries peuvent servir d’outil pour le compositeur : Colon Nacarrow, par exemple, a travaillé avec tous les types de canons possibles avec ses Studies for player piano (Hodges, p. 111)

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Figure 10: Les sept groupes de frise.

2.4 Canons, symétries et ruban de Möbius

L’évolution du canon démontre bien la valeur et la puissance de l’écriture procédurale. En travaillant directement sur une structure abstraite, des liens vers d’autres structures similaires se font automatiquement aux fils des siècles avec l’évolution de notre savoir sur ces différentes structures. Nous débutons ici à partir de l’exemple d’un canon précis qui est emblématique de cette évolution et des différents liens qui existent entre une multitude de structures.

Lors de sa visite à l’Empereur Frédéric, fervent amateur de musique, Bach eut la chance d’écouter une mélodie composée par ce dernier. Il improvisa même, selon ses compétences légendaires, une fugue basée sur cette mélodie. Bach rendit hommage à cette rencontre fortuite en composant L’Offrande musicale, suite de pièces basée sur ce thème et chacune inspirée d’une structure particulière. L’une d’entre elles est un canon cancrizan. Cette partition est en fait un canon dont la partition doit se lire de gauche à droite et vice-versa simultanément[5]. En termes géométriques, la partition de la seconde voix s’obtient par une symétrie verticale au centre de la partition pour la première voix[6].

Les jeux de symétries ont été perçus d’un bon œil par Slonimsky. En 1971, il proposa pour la revue Source dédiée aux compositeurs d’avant-garde une composition intitulée Möbius Strip Tease. Cette partition doit être découpée de la page et recollée comme un ruban de Möbius. Le chant qui ponctue cette composition glorifie ce fameux ruban.

Xantox, un peu dans la lignée du travail de Slonimsky,  reprit cette idée avec la composition de Bach. Sa vidéo en collaboration avec Jos Leys présente comment la lecture de la partition équivaut en fait à une lecture simple sur le ruban de Möbius, simple puisque nous n’avons pas à tourner la feuille de haute en bas, ce qui peut sembler une action inutile et gratuite pour certains, devient naturelle et même obligatoire sur le ruban de Möbius. Ce qui n’est pas dit explicitement dans le court métrage est que l’on considère cette surface comme transparente comme le film cinématographique, de sorte que les notes puissent se lire de part et d’autre du ruban[7]. La lecture se fait automatiquement de part et d’autre de la structure du ruban par les deux tiges de lectures. La forme du ruban permet d’exprimer qu’il n’y a en fait qu’une partition et que le point de départ est en fait aussi celui de sa fin. Il est important que cette transposition vers le ruban de Möbius ne dépend en aucun cas de la sémantique de la pièce, ou même des tonalités choisies, ce qui rend cette transposition possible est en fait sa structure fondamentale.

En 1932, dans la vague de la Gramophonmusik Georg Schünemann proposait que l’utilisation de vinyles favoriserait l’écriture de canon cancrizans puisque l’on pourrait simplement faire jouer un disque à l’endroit et un second à l’envers (Katz, p. 110) Il est désormais aisé de s’imaginer un petit programme de composition qui se dédie à permettre l’écriture de canon cancrizans presque qu’automatiquement ou doublant chaque note au début de la pièce comme une suite de parenthèse, assurant ainsi la forme du palindrome.

Il existe toutefois une méthode simple et ingénieuse qui permet une construction mécanique presque qu’automatisé de symétries musicales. Peut-être inspirée d’un travail de R. Tremblay dans le Mechanical Music Digest, Vi Hart propose une méthode efficace pour composer des symétries en se basant sur ce principe. Par un jeu de pliage, elle superpose les sections du ruban de Möbius qui doivent être symétriques afin de permettre le bon ‘’fonctionnement’’ sa composition lorsque lues sur la surface. Elle perce alors des trous dans ce papier, le déplie et obtient automatiquement le résultat désiré[8]. Il est à noter que cette écriture à l’aide des pliages est possible en fait à cause de la symétrie même du ruban de Möbius. Son écriture est davantage qu’une écriture sur le ruban, c’est une écriture à même la structure géométrique; l’apport des symétries résulte naturellement de cette écriture. C’est pourquoi elle discute à la fin de son vidéo de la possibilité d’écrire avec des réflexions glissées puisque celles-ci apparaissent naturellement sur le ruban de Möbius.

 Nous avons mentionné rapidement le groupe de pavage du plan cartésien; or il existe un équivalent pour une surface qui se nomme le twisted cylinder[9]. Pour obtenir cette surface, nous imaginons que nous avons une bande qui monte et descend à l’infini, mais qui possède une largeur précise et finie. Nous obtenons la dite surface en rejoignant les deux segments de droites en sens inverse, comme nous l’avions fait avec le ruban de Möbius. En ce sens, le ruban de Möbius n’est qu’un segment d’une coupure horizontale du twisted cylinder. Le groupe de symétrie du ruban lui est donc transmise du twisted cylinder et il est possible de montrer que le groupe de pavage du twisted cylinder est en fait généré par la réflexion glissée, (Stillwell 1992, p.32)  Cela résulte à l’écrite naturelle de composition en forme de réflexion glissée lorsque la partition se trouve sur le ruban de Möbius. (Figure 12)

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Figure 12: Canon sur ruban de Möbius. Source: http://www.josleys.com

Cette suite d’évènements démontre bien la puissance de cette forme d’écriture qui permet à des structures de traverser plusieurs domaines. L’étude des canons, en plus d’avoir des connexions avec des surfaces de représentation de la partition, permet de construire des liens avec des structures strictement algébriques.

2.5 Les canons rythmiques et l’algèbre

Sans tomber dans les détails minutieux, nous allons à ce point introduire un peu plus d’algèbre afin d’en comprendre les liens avec les canons rythmiques. Pour cela, nous devons définir ce qu’est un groupe. Un groupe est simplement un ensemble muni d’une opération définie entre les éléments de cet ensemble de sorte qu’il existe un élément neutre, un élément inverse et que cette opération soit associative. Pour donner un exemple concret, les nombres entiers munis de l’opération d’addition forment un groupe. L’élément neutre est 0 puisque N + 0 = 0 + N = N, donc cet élément additionné à gauche ou à droite d’un nombre entier ne change pas ce nombre. L’élément inverse de tout nombre entier est son inverse puisque N + (-N) = (-N) + N = 0, c’est-à-dire que l’élément –N additionné à gauche ou à droite de N donne l’élément neutre. Finalement, l’opération est associative puisque (L + M) + N = L + (M + N).  Pour en revenir aux groupes de frise. La première ligne de la figure 10 reste intacte si nous translatons de N figures vers la droite, de refaire une translation vers la gauche, -N, revient à avoir laissé la frise intacte, donc à l’élément neutre 0. L’associativité découle naturellement du même principe.

Un autre groupe qui nous importe ici est ce même groupe des entiers de pair avec l’addition, le groupe (Z,+),  peut-être quotienté pour obtenir le groupe cyclique Z /12Z. Ce groupe est en fait l’addition modulo n (Dummit et Foote, p. 8-9), ce qui veut dire que lorsque l’on obtient une somme de 12, on revient à 0. Par exemple, 10 + 2 = 0 (mod 12) et 9 +6 = 3 (mod 12).

Ce groupe est important puisqu’il apparaît dans l’analyse harmonique de plusieurs compositeurs (Andreatta et Agon, p. 70), dont celle d’Anatole Vieru qui travailla proche de Vuza. Pour bien comprendre ce fait, imaginons que ce qui nous intéresse est la note et non pas son octave, il en découle que le onzième demi-ton de la gamme augmenté d’un demi-ton revient à la fondamentale de la gamme. Tout comme pour le groupe Z /12Z, il est possible de représenter cette situation par un diagramme circulaire

 Évidemment, cette représentation peut servir également à la représentation d’un rythme à douze temps. Nous avons déjà rencontré ce type de représentation dans le travail de Demain. Une des questions qui revient encore une fois est l’idée de pavage. Nous voulons recouvrir les douze temps du rythme une seule et unique fois à l’aide de la translation d’un rythme de base. Par exemple, le rythme (101010101010) et son rythme translaté d’un temps vers la droite (010101010101) couvre les douze temps sans intersection, sans que deux notes soient jouées en même temps. Le jeu devient intéressant lorsque nous voulons construire des canons un peu plus complexes, possiblement sur un plus grand nombre de temps.

Les groupes sont importants dans la compréhension de plusieurs structures, notamment celle des pavages, des transformations géométriques et finalement de certaines opérations musicales. Ce travail est accompli à l’aide de la notion d’isomorphisme de groupe qui permet de comparer la structure interne de deux groupes; deux groupes isomorphes fonctionnent de la même manière. Par extension, comprendre les liens qui existent entre différent groupes revient à comprendre les liens entre différentes applications artistiques. Ces isomorphismes définissent des liens fondamentaux entre des opérations et «the result is an articulation of structure». (Rothstein, p. 130)

Pour démontrer le lien avec l’algèbre, nous pouvons décomposer le groupe Z/12Z en la somme directe de deux autres groupes, ce qui veut dire que chaque élément du premier groupe sera additionné à tous les éléments du second groupe. Nous pouvons voir que Z/12Z = Z/4Z Z/3Z, c’est-à-dire que le cycle de 12 est composé de 3 cycles de 4 ou de 4 cycles de 3.

Du point de vue rythmique, cela veut dire que si l’on prend le rythme qui marque chaque 4 temps comme rythme du canon (nommé rythme interne) et que nous les entamons au temps  0,1 et 2 (rythme externe), nous obtenons un pavage rythmique. En effet, nous obtenons les rythmes suivants (100010001000), (010001000100) et (001000100010) qui excluent toute superposition de temps. Évidemment, nous aurions pu faire le choix inverse et prendre Z/3Z comme rythme interne et prendre Z/4Z comme rythme externe.

2.6 Le Monstre de Vuza

Nous voulons à présent présenté un travail particulier, celui du roumain Dan Tudor Vuza. Le but ici n’est pas de simplement répéter une historiographie autour de ces compositions, mais d’exposer l’incroyable profondeur des structures qui se cachent derrière ce travail. En effet, comme nous allons le démontré, la migration des concepts et structures effectue un va et vient entre nombre de domaines d’études et de créations artistiques. Ce chemin est déjà partiellement tracé par les exemples préalablement étudiés concernant les pavages de l’espace et les canons rythmiques. Pour ne nommer que les grandes avenues principales de ce réseaux, on y trouve de l’algèbre, de la théorie des nombres, les pavages du plan, les pavages à n dimensions, les canons rythmiques, les théories modales de Babbitt et d’Anatole Vieru, l’analyse de Fourier. Nous présentons quelques définitions formelles qui permettent de remplir certains espaces vacants dans l’échafaudage des concepts et théorèmes qui sous-tendent ou découlent ces compositions.

Le lecteur intéressé peut compléter cette lecture à partir des textes éclairants de Moreno Andreatta et d’Emmanuel Amiot, tous deux issus d’une tradition différente et soulignant des aspects complémentaires de ce corpus. Ces textes offrent de nombreuses définitions formelles qui viennent appuyer les résultats mentionnés dans cette section. Ce qui suit est davantage une présentation des différentes migrations paradigmatiques, c’est-à-dire des différentes transpositions entre les aspects mathématiques, géométriques, tonals et rythmiques. Puisque l’étude des canons de Vuza est un espace de convergence, nous devons de retracer l’histoire à partir deux points de départs indépendants, soit l’algèbre et la musique.

La naissance de l’algèbre en Europe au moyen âge est en fait issue de pratiques existantes dans le monde arabe, connues sous le nom d’al-jabr, ce qui signifie balancement ou remplissage. Les savants alors de longues phrases représentant le balancement d’objets dont l’un était inconnu et le tout a finalement été traduit en équations. Des équations qui ont alors vu le jour sont celles composées de combinaisons linéaires de différentes puissances d’une même variable. Ces équations sont des polynômes. On s’intéressa alors à trouver les racines[1] pour différents polynômes[2]. Si la résolution des polynômes de degrés deux est connue depuis Al-Khwarizmi avec la fameuse formule quadratique, celle des degrés supérieurs exigea des recherches plus approfondies. L’Italien del Ferro trouva la forme d’une solution générale pour le degré trois en vers 1500, et de cette méthode Ferrari découla la méthode pour le degré 4. (Stillwell 1994, p. 15) La résolution algébrique du degré 5 allait mener à plusieurs complications. Galois montra en fait qu’il n’existe pas de méthode de résolution générale pour les polynômes de degrés 5 et plus.

Les liens entre la théorie des équations et le groupe de symétrie ont été envisagée par Lagrange dans son traité Réflexions sur la résolution algébrique des équations (1771). Il explique entre autre les solutions pour les équations de degré trois et quatre par les groupes de symétrie S₃ et S₄. (Stillwell 1994, p.125-126) Le mathématicien allemand Félix Klein avait quant à lui bien compris l’importance de la théorie des groupes dans l’étude de la géométrie[3]. Une des approches intéressante propose une classification des surfaces via les différents groupes de symétries[4] (Stillwell 2010, p 64). Les cas les plus simples d’étude des symétries d’une surface apparaissent naturellement avec les motifs sur une bande et sur un plan. Si le cas des bandes infinies offre sept possibilités, le plan cartésien lui offre 17 cas possibles. (Francis et Weeks, 1999)

L’études des pavages du plan existe depuis longtemps puisque ceux-ci apparaissent naturellement comme solution esthétique en architecture pour les surfaces planes (murs, planchers et ainsi de suite) Un travail d’exploration de ces 17 groupes de pavages a été fait par l’artiste M. C. Escher qui y dédia une grande partie de son œuvre en plus de comprendre que la géométrie des pavages s’applique également aux géométries non euclidennes, celles pour lesquelles le l’axiome des parallèles n’est pas respecté[5]. Cependant, leur étude nous éloigne des canons de Vuza et nous ne les abordons pas. Les recouvrements de l’espace peuvent tout de même être étudiés dans une autre optique, celle de la généralisation des pavages de l’espace euclidien à n dimensions.

Ce petit détour par la énième dimension est un passage obligé vers les canons de Vuza, détour qui débute en fait débute par la conjecture de Minkowski. Après avoir travaillé sur l’approximation de nombres réels à partir de nombres rationnels (Szabó et Stein, p. 1-22), il fit l’observation suivante : lorsque l’on effectue un dallage régulier du plan avec des carrés isométriques, nous obtenons des lignes ou une colonne de carrés parfaitement alignés. Autrement dit, des carrés partage des côtés communs. Remarquant que cette propriété tient également avec des cubes –que les cubes partagent des faces carrés communes- il conjectura que cela était vrai pour tout pavage réguliers de l’espace avec des cubes de n dimensions. Plus précisément, il conjectura que tout pavage basé sur un treillis de l’espace euclidien à n dimensions contient au moins une paire de cube qui partage une face de dimension n-1. (Stein et Szabó, p. 22)  Dans ce théorème, un treillis est un ensemble ordonné de points dans l’espace. (Figure 13) Un pavage en treillis implique que les carrés sont ordonnés de la sorte, par exemple en posant le coin inférieur gauche du cube sur chaque point. Ce principe se généralise naturellement plus un plus grand nombre de dimensions.

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Figure 13: Treillis

Il fallut attendre 45 ans pour que Hajós propose trouve une solution au problème, solution qui tire toute sa force par sa transposition en problème de théorie des groupes. La version du théorème de Hajós stipule que pour toute factorisation d’un groupe fini abélien[6] en le produit direct de sous-ensembles cycliques, au moins un des facteurs est aussi un groupe[7].  Une particularité fort intéressante dans le travail de Hajós est qu’une fois la transposition de la conjecture de Minkowski en problème algébrique, le nombre de facteurs dans la décomposition n’a plus besoin d’être égale au nombre de dimensions de pavage cubique! (Szabó et Stein, p. 28) En 1930, Keller proposa que la condition d’être un treillis pouvait être retirée, mais Lagarias et Shor ont démontré que cette hypothèse est fausse pour les dimensions supérieure à 10[8]. (Szabó et Stein p. 28) La propriété d’être un groupe de Hajós est d’être abélien et factorisable en des ensembles cycliques. Ce sont donc les groupes sur lesquelles le théorème de Hajós est applicable.

Pour en revenir à Z/12Z, nous avons déjà montré que nous pouvions le décomposer en le produit direct de deux groupes cycliques Z/3Z et Z/4Z, c’est donc un groupe de Hajós et le théorème est applicable.  Il est possible de le décomposer en {0,1,5} et {0,3,6,9}. Dans ce cas, le premier ensemble n’est pas cyclique, mais le second l’est. Par le théorème, il en est ainsi pour toutes les décompositions de Z/12Z. Le plus petit groupe à ne pas posséder une telle décomposition est Z/72Z.

Or, voyons désormais quel en est le lien avec la musique. De ce point de vue, nous devons présenter deux apports importants de Dan Tudor Vuza. Le premier est la transposition de la théorie modale d’Anatole Vieru vers la structure rythmique et par ce fait même permettant de migrer les outils du problème du dallage harmonique vers celui du dallage rythmique (Andreatta 2011, p. 42) Le second est ce qu’Andreatta nomme «a milestone in the development of the mathematical theory of tiling canons…» (Andreatta 2011, p. 41). Ce sont les canons réguliers complémentaires de catégorie maximale[9] dit les canons de Vuza. Ces canons permettent un pavage parfait[10] d’un cycle de temps à l’aide de rythmes qui ne possèdent pas de périodicité dans leurs rythmes internes et externes (Andreatta 2014 p. 66). Dans la ligné du travail de générations de rythmes asymétriques à l’aide de l’algorithme de Bjorklund, cette avancée permet au compositeur de se libérer des contraintes de régularités des entrés de voix lors de la composition de canons[11](Andreatta   2011, p. 44)

Or, il se trouve que les solutions pour trouver les canons de Vuza sont précisément les groupes qui ne sont pas des groupes de Hajós, comme le groupe Z/72Z. Dan Tudor Vuza ne connaissais pas ces résultats issues de la conjecture de Minkowski, ce qui explique que sa démarche fut toute autre[12]. Une solution pour la décomposition du groupe Z/72Z est donnée par A= {0,1,5,6,12,25,29,36,42,28,29,53} et B={0,8,16,18,,26,34}[13]. Ces deux ensembles forment donc les rythmes interne et externe d’un canon de Vuza.

Andreatta

Figure 14: Décomposition de Z/72Z et un canon rythmique associé par Moreno Andreatta. Source:http://recherche.ircam.fr/equipes/repmus/moreno/RapportMoreno.html

Or, si l’algorithme de Vuza pour a pu offrir une liste complète des décompositions possibles pour Z/72Z, tel n’en est pas le cas pour les autres groupes de non-Hajós Ce fait a été découvert par Moreno Andreatta, Emannuel Amiot et Harald Fripertinger[14]. L’œuvre de Vuza ne s’arrête donc pas avec la création de son algorithme comme solution générale au problème de construction des canons réguliers complémentaires de catégorie maximale et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, l’implémentation et l’analyse de l’algorithme de Vuza par Andreatta dans la pratique de nourrir encore davantage la compréhension théorique des canons de Vuza. Comme l’écrit Andreatta:

                «Building computational models of formal constructions may radically change the perspective on     a given music-theorical problem by emphasizing its experimental component. In the case of the construction of tiling canons, having a computer-aided model made evident a series of properties that would have been difficult to perceive by relying purely on the original theoretical model. For instance, one can show computationally that in non-Hajós groups almost all ‘’outer rythms’’ obtained by Vuza’s algorithm have the property of being palindromes, which establish an unexpected connection with Olivier Messien’s original attempt at constructing canons based on non-invertible rhythms.» (Andreatta, 2011, p. 52)

Il apparaît clairement que l’implémentation de l’algorithme de Vuza a permis deux choses : de compléter le catalogue des canons possibles et de découvrir certaines caractéristiques supplémentaires de ces canons. Le travail de Vuza n’est donc pas complet sans sa mise en forme pratique, sans l’application d’une procédure artistiques certes, celles des compositions musicales, mais aussi celle de la constitution même du catalogue de son corpus éventuellement infini.

Deuxièmement, le travail de Dan Tudor Vuza a offert des résultats à propos groupes non-Hajós avant même que ces résultats soient découverts par des mathématiciens. Par exemple, si un groupe non-Hajós d’ordre n admet une factorisation en deux ensembles A et B, il admet aussi la factorisation en les ensembles kA et B pour k copremier avec n. Ce résultat n’a été obtenu qu’ultérieurement par les mathématiciens Tijdeman en 1995 et par Coven et Meyerowitz en 1999. (Andreatta 2011, 51) De plus, nombre de recherches tissent des liens avec d’autres structures mathématiques, par exemples avec les polynômes cyclotomiques[15]. (Amiot 2011, p. 9-12) Finalement, il y aurait possiblement un lien avec un autre objet théorique fort complexe qu’est la conjecture spectrale, ou conjecture de Fuglede. Les canons de Vuza pourraient apparaître comme contre-exemple de la conjecture de Fuglede pour la dimension 1. (Andreatta 2011, p. 55)

Malgré les subtilités macroscopiques de l’écriture de canons de Vuza – le rythme interne d’un canon n’est pas évident lorsqu’étalé sur 72 temps- quelques compositeurs se sont aventurés dans la composition d’œuvres basées sur ces techniques. Nous pouvons citer les œuvres Coïncidendes de Fabien Levy[16], La Descrizione del Diluvio de Mauro Lanza et Empreinte sonore pour la Fondation Beyeler de Georges Bloch, basée sur une composition de Thelonius Monk (Andreatta et Agon, 2009, p. 68). La partition simplifiée de la section en canon de Coïncidendes (fig. 14) permet de voir la solution utilisée par Fabien Lévy. Le rythme interne du canon à six voix est (0, 11, 17, 20, 23, 24, 44, 47, 48, 53, 59, 68) et le rythme externes est (0, 22, 38, 40, 54, 56). La troisième ligne de la figure contient les premiers temps du pavage rythmique (le premier temps de la ligne est le 72ième temps, le renouvellement du cycle)[17].

La structure de ces pièces nous échappe en tant qu’auditeur puisqu’il est presque impossible de garder trace des rythmes internes et externes de ces canons. Dans le cas de la pièce de Lévy, l’auditeur fait face davantage à des informations continues qu’à une structure contrapunctique (Andreatta et Agon, p. 67); l’introduction du canon est très subtile. Par conséquent, il est normal de s’interroger sur la valeur de ces compositions comme œuvres musicales, ou du moins celle de l’apport rythmique de ces compositions. Au sujet de son propre usage des canons de Vuza, Lévy mentionne que l’oreille ne perçoit pas le canon ni la répétition, mais qu’il est tout de même possible d’en dégager un sens général de cohérence structurel (Lévy, p. 30). C’est le pas vers la recherche d’une structure cachée qui, en fait, en donne toute la valeur perceptive. Comme l’asymétrie des rythmes Euclidien les rend intéressants, la structure irrégulière de la décomposition des groupes non-Hajós font des canons de Vuza des structures riches qui cachent en fait tout un réseau d’informations. Il n’est pas surprenant de voir que ces deux exemples tirent leur complexité d’une structure extrêmement asymétrique, celle des nombres premiers et relativement premiers.

FabienLevy

Figure 15: Représentation de la section qui contient le canon de Vuza dans la partion de Fabien Lévy

Comme le démontre l’historique des différents apports de la musique, des arts visuels, des mathématiques et de l’informatique, ces œuvres se positionnent à l’intérieur d’un réseau de concept énorme ce qui fait en sorte que ces compositions ne sont ni fondamentalement musicales, ni mathématiques, ni visuelles. Leur essence réside en leur structure  qui apparaît comme la conséquence d’un échafaudage construit à partir de la théorie des pavages, de canons rythmiques eux-mêmes partiellement issus des pavages harmoniques[18], et de la théorie des groupes. Ne considérer ces œuvres que dans leur modalité musicale revient à n’observer qu’une façade d’un palais majestueux.

C’est la nature rhizomique de ces structures qui explique que les répercussions se multiplient autant par les futurs défis compositionnels qu’elles impliquent que par les nombreuses recherches mathématiques qu’elles engendrent. Sa valeur ne tient pas seulement dans charge synthétique d’éléments de plusieurs sens et paradigmes, mais elle en doit aussi à sa capacité à élargir notre perception tant à la valeur rythmique qu’à la profondeur sémantique de l’œuvre.

Si une œuvre peut prendre de la valeur et faire sens, ce n’est pas simplement par la force de ces affects purs; la lecture de l’œuvre passe également par ce qu’elle implique comme savoirs. Plus le réseau de savoir est vaste, plus les schèmes impliqués sont nombreux et plus la valeur sémantique de l’œuvre gagne en puissance. Il est évident que la lecture d’un canon de Vuza implique une quantité de savoirs qui dépasse largement celui d’un auditeur non averti et si cet espace possible de compréhension laissé par l’œuvre découle de la nature interdisciplinaire qu’elle sous-tend, c’est également parce qu’elle invite à participer à cette transgression des frontières et remplir cet espace vacant. L’écriture procédurale se positionne précisément dans cet espace libre parce que ce lieu permet d’accéder rapidement à divers paradigmes.

Différentes avenues

3.1 Défis et applications possibles de l’écriture procédurale

Nous allons nous tourner à présent vers la pratique d’écriture et de certains défis à venir. Le but est en fait de voir quels sont quelques chantiers en productions, de voir d’où découlent certaines problématiques, de trouver quelques projets excitants qui n’ont peut-être pas encore trouvé d’applications concrètes. De sorte, nous proposons autant qu’analysons des œuvres et groupes d’œuvres.

Nous traitons principalement de deux problématiques, toujours en écartant autant que possible l’aspect de l’harmonisation et de la fréquence des notes[1]. La première est la conception de l’écriture procédurale autour d’un objet relativement contemporain qu’est le fractal. En effet, si l’interprétation visuelle des structures fractales s’est avérée une source inépuisable de recherches et créations, sa transposition en musique attend encore  une œuvre phare qui permettrait de valoriser davantage cette pratique. En second lieu, nous abordons la performativité d’une œuvre structurale. Nous présenterons brièvement quelques pièces qui travaillent sur cette limite encore nébuleuse de l’ensemble des possibles de l’écriture procédurale.

3.2 Petit survol de différentes compositions fractales

En ce qui concerne la première problématique, c’est à la fois dans la forme absolue de la nature structurale des fractals, ou voir même des natures structurales, et dans la procédure de sa mise en forme musicale qui pose problème. Afin de comprendre l’écriture de fractals comme une écriture procédurale, nous devons retourner à la source de la notion de fractale et une première difficulté qui s’impose d’elle-même est l’absence d’une définition complète des fractals.

Dans son premier ouvrage sur le sujet, le mathématicien français refusait même de donner une définition exacte en sachant que celle-ci ne ferait qu’exclure inutilement un certain nombre d’exemples. Son travail s’inscrit malgré tout dans une ligné de publication sur le sujet qui remonte principalement à la géométrie et à l’analyse. Pour donner un exemple concret, il faut comprendre un vieux débat qu’est celui de la notion de continuité et de dérivabilité. En termes simples, la continuité d’une fonction est sa qualité d’être traçable à la main sans lever le crayon[2]. La notion de dérivé est celle du taux de variation d’une droite tangente en un point d’une courbe. Pendant longtemps, on a cru que la continuité impliquait la dérivabilité et cela changea lorsque quelques contre-exemples ont commencé à voir le jour. Par exemple, Bolzano et Weirstrass ont défini des fonctions qui sont par leur nature très complexes, continues mais nul part dérivables. Cette prouesse s’obtient en fait avec la somme infinie de fonctions sinusoïdales. Un autre exemple de courbe possédant cette même structure est la courbe de Von Koch. Celle s’obtient aisément à partir d’itérations géométriques. À partir d’un segment de droite, on remplace le tiers milieu par les deux côtés d’un triangle équilatéral de côté égal à la longueur de ce segment. Pour tous les segments restants, on réitère le processus ainsi à l’infini. Le tout devient abstrait lorsque l’on définit la courbe de von Koch comme le résultat de ce processus, lorsqu’appliqué une infinité de fois. Donc, autant l’objet est clairement défini qu’il n’est en aucun cas entièrement réalisable puisque cela prendrait un temps infini. Évidemment, à partir d’un certain nombre d’itérations, la nuance de se voit plus à l’œil, nous laissant avec une forme infiniment brisée comme l’est la fonction de Weirstrass. (Figure 16)

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Figure 16: La function de Weirstrass. Source: Wikipedia

Cet exemple fort simple de la structure de la courbe de Von Koch mène vers deux pierres d’achoppement auxquelles le compositeur se bute dans le transfert d’une structure de la sorte en musique. La première est évidemment ce point de jonction entre processus infini et structure, la seconde ici ne s’obtient, théoriquement, qu’après un temps infini. Donc, tout comme les représentations de la courbe de Von Koch ne peuvent être qu’approximatives, il en va de même pour son transfert en musique. Ce transfert, aussi élaboré qu’il puisse être, demeurera toujours incomplet par nature. Le seul point de conciliation est que son transfert en musique possède son seuil perceptible, que ce soit pour un transfert rythmique ou fréquentiel.

Par la suite, un choix doit être fait concernant cette structure à savoir quelle propriété doit être transférée. Il y a d’une part l’aspect géométrique, et d’autre part son aspect infiniment brisé. Pour le premier aspect, un travail similaire à celui de Tom Johnson pourrait être effectué en assignant à chaque hauteur de la courbe une hauteur de note. Il est évident que dans ce choix, un nombre limité d’itérations est possible avant d’atteindre le seuil de différentiation. Pour le second aspect, il faut discuter de l’invariance d’échelle. Afin de représenter ce principe, nous pouvons nous observer un exemple dans la composition La Vie est si courte de Johnson. Dans ce cas, la mélodie de la portée du bas est la même que celle du haut à une différence d’échelle près. La mélodie du haut est en fait trois fois plus rapide que celle du bas.

Tom Johnson - La vie est si courte

Figure 17: La vie est si courte de Tom Johnson. Source: Pour la Science

Les fractales possèdent justement une telle invariance d’échelle, ce qui implique qu’elles sont soit en chaque partie identique à leur tout -à la limite, chaque segment de la courbe de Von Koch est en fait identique à son ensemble- soit structurellement identique en possédant, par exemple, le même degré de brisure. Cette idée implique donc également une brisure infinie de la mesure rythmique.

Idéalement, cette invariance existe autant vers l’infiniment petit que vers l’infiniment grand. Il y a la possibilité de représenter instinctivement l’infiniment petit, par exemple comme le fait Julio Estrada dans sa composition ishini’ioni (Sauer, p. 69) (Figure 18) ou par un modèle structural basée sur la décomposition infinie de l’ensemble de Cantor comme proposé dans l’ouvrage de Pareyon. (Figure 17) (Pareyon, p. 73)

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Figure 18: Itérations vers l’infiniment petit basée sur l’ensemble de Cantor. Source: Pareyon

Le choix de l’infiniment grand est plus accessible que son inverse puisque son seuil de différentiation est plus souple. Nous pourrions imaginer une structure rythmique incommensurable basée sur le l’ensemble de Cantor. En partant d’une mesure qui vaut la longueur du segment initial, nous pourrions ‘’déplier’’ l’ensemble de Cantor et mimer sa structure vers l’infiniment grand plutôt que dans sa version de poudre infinie. De la sorte, la seconde itération serait constituée de trois mesures du segment initial, avec la mesure du milieu silencieuse, la prochaine itération contiendrait neuf mesures et ainsi de suite. Afin de mettre l’emphase sur une œuvre conceptuelle de la sorte, il serait possible de faire un programme qui permet de générer automatiquement une infinité d’itérations musicales.

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Figure 19: Extrait de ishini’ioni par Julio Estrada (1959)

Parfois, il peut être utile de transformer une structure dans une forme secondaire avant que d’en chercher un transfert adéquat qui peut même laisser entrevoir certaines qualités inhérentes. Pour en revenir à la courbe de Von Koch par exemple, nous pouvons nous tourner vers une version plus abstraite de sa structure. Jun Ma et Judy Holdener ont démontré que cette courbe était reliée à la suite de Thue-Morse. Cette suite se construit comme tel : nous débutons avec 01 et nous recopions, par une suite d’itérations, l’inverse de la suite de nombres en inversant les zéros et les uns. Les 4 premières itérations sont : 01, 0110, 01101001, 0110100110010110. Cette suite a été construire originalement pour n’avoir aucune répétition plus longue que deux valeurs[3]. Cette impossibilité découle directement de la nature même de son processus itératif. Or, ce que Jun Ma et Judy Holdener ont démontré est qu’en assignant des valeurs directionnelles aux valeurs de 0 et 1, il est possible d’obtenir une courbe qui elle aussi tend précisément vers la courbe de Von Koch. Donc, en utilisant la suite de Thue-Morse comme partition, il y a l’utilisation sous-jacente de différentes propriétés structures. Il y a le transfert de sa propriété fractale, et transfert de son absence de répétition triadique. Cela peut mener à différentes expérimentations[4].

Dans l’un des rares textes à discuter de la musique fractale[5], le compositeur Robert Sherlaw Johnson mentionne qu’il est resté fort peu satisfait des compositions fractales qu’il lui a été donné d’entendre (p. 163). La difficulté à rendre efficace le transfert du visuel vers l’auditif vient peut-être d’une différence fondamentale dans la lecture de telles œuvres. En discutant de la forme visuelle d’un fractal, il spécifie que «The longer the generation takes place, the more interesting  and complex the pattern becomes. Music is not perceived in this way. ..()…in the case of music the whole is not perceived simultaneously and only localized patterns make sense» (Sherlaw Johnson, p. 166). C’est d’ailleurs le même principe qui limite l’effectivité de l’autoréférentialité en musique et qui pose la question de la valeur de la perception du rythme dans les canons de Vuza.

Le compositeur Gustavo Días Perez offre une belle interprétation des ensembles de Julia et de Mandelbrot comme partition musicale. Par un choix judicieux de sons de synthèse, le compositeur arrive à recréer le halo mystérieux qui règne autour de ces objets étranges. Malgré cet accomplissement esthétique, les structures ne sont pas directement sensibles dans ses compositions. Les liens entre la spacialisation d’objets fractals complexes, tels les ensembles de Julia et de Mandelbrot[6], et une musique qui contiendrait une structure équivalente restent encore difficile à définir. Ce fait peut venir de la différence entre ces ensembles qui ont été davantage découverts sur le plan complexe contrairement aux structures fractales construites comme dans le cas de la courbe de von Koch ou la suite de Thue-Morse.

Cette distinction mène au problème de la compréhension du chaos. Par définition, le chaos tente d’exclure toute règle structurale et échapper à toute forme de formalisation. La géométrie fractale sert souvent de modèle pour comprendre la nature extrêmement complexe de la géométrie de la nature. Le cas des ensembles de Julia et de Mandelbrot sont plus proche de cette nature chaotique des fractales puisque qu’ils semblent hors contrôle, leur complexité va au-delà de ce que nous aurions pu simplement imaginer et, de ce fait, construire. La retranscription musicale d’une telle complexité est par ce fait même difficile et le mieux que nous pourrons peut-être espérer serait de définir une sorte de partition musicale qui contiendrait naturellement des objets d’une complexité inimaginable, tout comme il en a été le cas avec le plan des nombres complexes. Évidemment, la généralisation des ensembles de Julia et de Mandelbrot à un nombre supérieur de dimensions laissent entrevoir la possibilité de chercher pour de plus grands défis d’écritures procédurales

3.3 La structure de la performabilité

La performabilité peut également avoir une forme, souligné dans la procédure des actes nécessaires à la présentation de l’œuvre.

Un exemple d’écriture procédurale liée à la performabilité se retrouve en la pièce Failing de Tom Johnson[7]. Des défis reliés à la structure de cette pièce, et par conséquent à la migration de celle-ci vers d’autres œuvres, tient en la forme tripartite de sa définition. Dans cette pièce une contrebassiste doit lire un texte (et en improviser des bouts) et jouer des extraits de mélodies, soit par intermittences, soit simultanément. Évidemment, cette pièce, comme le mentionne le même texte, est difficile à interpréter. Le texte souligne encore que la lecture du texte ne doit pas interférer dans la prestation strictement musicale de la contrebasse. Le texte mentionne que cette tâche est somme toute impossible, de là le titre de la pièce. Or, comme le mentionne encore une fois le texte, de ne pas réussir la pièce est également est aussi la réussir, ce qui en fait une structure paradoxale dont la valeur de la prestation soit se trouve simultanément dans une double position binaire était réussite et non-réussite à la fois, elle glisse constamment entre les deux. Nous précisions ces deux cas puisque cela dépend de la position du spectateur, soit celui-ci tend à attribuer une valeur binaire quant à la réussite de cette prestation, soit il admet que la réussite d’une pièce admet des zones grises. Dans ce cas, cela revient à décider si la lecture du texte mine ou non la prestation musicale de la contrebasse.

L’écriture de cette pièce est triple. En effet, pour atteindre cette tierce valeur paradoxale, les deux statuts de réussite et de non-réussite de l’interprétation se doivent d’être préalablement confirmés afin de positionner le tout comme œuvre paradoxale. Donc, cette triple valeur doit se transpose-t-elle aisément. Il va de soi qu’un changement d’instrument (autre qu’un instrument à vent qui nécessite l’usage de la bouche) ne modifie pas réellement cette structure.

Notons que la portion autoréférentielle de l’œuvre, qui apparaît dans son titre et dans son texte, n’est pas en soi une modalité difficile à transposer vers une autre œuvre. Il suffit d’ajouter du texte une part de méta discours dans l’œuvre. Le défi devient intéressant lorsque nous voulons transférer cet acte d’écriture, et sa forme procédurale particulière, vers une œuvre audiovisuelle. La pièce de Johnson se base en fait sur une limitation kinesthésique qui positionne le musicien dans une position précaire, entre réussite et échec. La difficulté vient particulièrement de l’aspect rythmé et temporalisé de la parole et de la musique qui, de part et d’autre, entrent en conflit. Un premier transfert serait de conserver cette limitation kinesthésique. Une forme transposée qui pourrait induire le même type de difficulté serait la lecture d’une partition graphique filmique. Par filmique nous entendons que son ensemble n’est pas visuellement accessible d’emblée, et que celle-ci défile devant le musicien. Cette partition, avec sa liste d’instruction, pourrait être accessible instantanément au public, faisant ainsi de l’œuvre un travail audiovisuel pour le spectateur. Une forme participative, invitant à réciter un texte par cœur tout en interprétant la partition musicale filmique en ferait une œuvre vidéo ludique.

Un point important de l’interprétabilité de Failing réside en la mise en abîme du processus de création, technique présente également dans sa composition Narayana’s Cow (1989). Ces compositions débutent par l’explication autoréférentielle de l’œuvre afin d’en préciser les rouages[8]. Cette méthode permet à la fois d’inclure la présentation du processus de création dans l’œuvre même et d’avoir une transition graduelle du positionnement spectatoriel entre analyse et appréciation. Ce double positionnement peut être conservé pour l’entièreté de la durée de la pièce, comme dans Failing ou une autre œuvre de Johnson, Music and Questions (1988).

Ces compositions démontre qu’il est possible de jouer énormément sur deux axes binaires[9], celui du vrai et du faux, et celui de l’intérieur et l’extérieure de l’œuvre, équivalent à l’intra et l’extra diégétique dans le cas d’une narration. Ces structures peuvent évidemment se complexifier lorsque plusieurs paliers ontologiques apparaissent. Si de telles structures sont sujettes à diverses explorations en théâtre en cinéma et dans les arts visuels en général -comme le témoigne le mockumentaire ou des films comme Exit through the Gift Shop (Banksy, 2010)- leur présence reste encore timide dans le domaine de la musique.

Conclusion 

Nous avons défini l’écriture procédurale afin de pouvoir extraire une partie du pouvoir d’abstraction du processus d’écriture. Cette écriture pose des règles et des structures qui s’appliquent naturellement dans une variété de contextes scientifiques et artistiques. Un lieu de rencontre particulièrement fertile apparaît lorsque les arts visuels, la musique et la théorie des groupes s’unissent. Nous avons étudié trois exemples importants. Le premier met en lien le pavage régulier de surfaces comme la bande, le plan et le ruban de Möbius, l’avènement géométrique de la théorie des groupes et la géométrie de la partition musicale. Le second part de l’algèbre et les canons rythmiques et reprend la notion de pavage appliquée à l’espace à n dimensions. Dans cet espace abstrait se cache la solution à un autre problème de canons rythmiques, celui des canons de Vuza. Finalement, nous avons vu que la notion de fractal et des espaces qu’ils engendrent mènent vers de nombreux défis compositionnels dont plusieurs restent encore à résoudre. Il semble que la notion d’espace sert à la fois comme point unificateur de ces perspectives distinctes que comme fil conducteur de l’évolution d’une même problématique, celle de l’unification des sens. Comme mentionné en début de texte, le travail effectué directement dans l’abstrait permet d’inversé le processus d’unifications de pratiques distinctes en une création simultanée d’un corpus multidisciplinaire.

Afin de comprendre l’étendue réelle de l’écriture procédurale, il faudrait déjà couvrir plusieurs sujets connexes. En premier lieu il faudrait inclure l’ensemble des savoirs propres à l’analyse harmonique qui viennent compléter nombres de résultats et recherches présentés dans ce texte. Ensuite, il faudrait inclure une analyse détaillée des systèmes stochastiques qui servent de matière de composition pour plusieurs compositeurs et artistes visuels. L’étude des systèmes formels comme les systèmes Lindenmayer ainsi qu’une compréhension plus large de l’algèbre et la théorie des groupes permettraient d’inclure les théorèmes et preuves qui servent l’écriture procédurale. Finalement, contrairement à ce texte, il faudrait également inclure l’étude un large éventail d’écritures plus souples qui permettent des transpositions axés davantage sur l’affect que sur la structure inhérente.

Évidemment, comme le démontre la prestation de Failing de Tom Johnson, nous ne pouvons pas exclure totalement le rapport de cette écriture abstraite avec le réel et ce, que ce soit par l’analyse de la performabilité d’une œuvre, où même de sa prestance possible dans le monde, ou par sa réception par le ‘’lecteur’’. Une entreprise intéressante mais lourde de complications tenterait de prévoir la portée ‘’synesthésique’’ d’une écriture procédurale. Cette tâche ardue devrait alors inclure deux paliers importants : celui de prévoir dans quels médius ou combinaisons de médiums une œuvre procédurale pourra prendre une forme intéressante et celui de comprendre les différents schèmes cognitifs qui seront impliqué dans sa réception afin de favorisé la sensation immédiate des réseaux de concepts que ces œuvres impliquent.

Notes:

Chapitre 1:

1-‘’Not’’ pour la négation et ‘’nor’’ pour le ‘’ou’’ exclusif.

2- À l’inverse, il est intéressant de mentionner le cas de Arthur B. Lingen qui à l’inverse arrivait à lire directement les sillages, ou du moins à le faire à croire. (Levin, p. 51)

3- Pour un historique détaillé de cette époque, nous recommandons fortement l’article de Levin, le site internet http://www.lesclochesdatlantis.com de Philippe Langlois ainsi que celui d’Andrey Smirnov du centre Theremin, http://asmir.info/graphical_sound.htm

4- Les portes logiques sont des composantes de bases des circuits électroniques.

5-Ce qui est en soit suffisant pour générer n’importe qu’elle table de vérité et par ce fait même n’importe quel autre opérateur logique (Mendelson, p. 26)

6-Elles ont été définies par Arthur Cayley après une collaboration avec James Joseph Sylvester vers la moitié du 19ième siècle (Ouellet, p. 12)

7-Dans la même ligné, des généralisations du produit scalaire ont été offertes, notamment la perpendicularité de deux fonctions si l’intégrale de leur produit donne 0.

8- Selon la méthode des matrices de transfert.

9- Notons qu’il définit la multiplication ligne sur ligne plutôt que ligne sur colonne, mais cela revient à la même chose que de multiplié par une matrice transposée.

10- Voir les notes de Sean Carroll sur le site http://arxiv.org/abs/gr-qc/9712019

11-http://www.michelgondry.com/?tag=chemical-brothers#prettyPhoto

12- Les 840 répétitions de la mélodie de Vexations de Satie destinées à ennuyer ses critiques (Cucker, p. 188) peuvent différer grandement des répétitions de Piano Phases de Steve Reich.

13- Le but de l’excercise n’est pas d’offrir une définition large de la fugue qui soit à toute épreuve, mais d’aider à comprendre le point de vue à partir duquel l’écriture procédurale se positionne.

14- Même que Weyl disait qu’il choisirait d’écrire le beau avant d’écrire le vrai (Rothstein, p. 139)

15- Traduction de ruled surface. Une telle surface est obtenue par le mouvement continu d’une droite ou segment de droite dans l’espace (Pressley, p. 80) Le plan, le cylindre, l’hélice et le ruban de Möbius en sont des exemples.

16-Par exemple, le bédéiste Marc-Anthoine Mathieu construit plusieurs pages autoréférentielles dans sa série Julius Corentin Acquefacques.

17-Voir le cas de La Vie est si Courte de Tom Johnson discutée plus loin dans ce texte.

18- Un grand nombre de phrases et textes autoréférentiels peuvent être trouvés dans les articles «On Self-Referential Sentences» et «Self-Referential Sentences; A Follow-Up» de Douglas Hofstadter. Les livres de McHale et Pickover en bibliographie contiennent aussi de beaux exemples.

19- Nous verrons plus loin dans le texte comment elle devient utile dans la construction des fractals et de musiques qui s’en inspirent.

20- Pour une composition basée sur la suite de Fibonnaci, le lecteur peut se référer à l’œuvre de Per Nørgård et John A. Biles (Perayon, p. 395-396). Dans le cadre de notre étude sur l’écriture procédurale, il est intéressant de noter mentionner qu’il existe un lien structurel entre le rythme infini de Nørgård et le code Gray (Shallitt, 2005)

21-L’effet est bien rendu par le zoom infini sur la transformation conforme créée par Smith et Lenstra. (http://escherdroste.math.leidenuniv.nl/?menu=animation)

Chapitre 2.1 et 2.2:

[1] Notons que c’est la première instance d’utilisation de processus aléatoire de composition par l’ordinateur. Avant cela on peut remonter à la composition Musikaliche Wurfelspiel de Mozart qui permet via une charte et deux dés de composer une valse aléatoire. En 1955, D.A. Caplin en fit la transcription algorithmique pour ordinateur. (Busser et Souder, p. 67) Il y a dans ce cas transcription sur l’ordinateur, mais pas une composition stochastique sur l’ordinateur.

[2] Principe également utilisé par Iannis Xenakis dans plusieurs compositions. (Verdier, p. 76-81)

[3] Ces machines semblent avoir grandement inspiré Raymond Roussel qui en représentait plusieurs dans ses livres (Bussier et Souder, p. 68)

[4] http://www.pianola.com/mrolla.htm

[5] http://asmir.info/graphical_sound.htm

[6] https://www.youtube.com/watch?v=1mKfQYzfduY

[7] https://www.youtube.com/watch?v=8s9LPsCpf_U, Ce jeu sur l’incapacité d’appliquer une procédure est un thème qui revient dans une autre œuvre importante de Johnson que nous discuterons en fin de texte.

[8] Une version de Vertige pour piano mécanique a été interprétée à Cologne en 1990, donc avant la composition de Johnson. https://www.youtube.com/watch?v=skVaqb5xXHE

[9] https://www.youtube.com/watch?v=49mu_d7J4L8

[10] Dans l’article original, les auteurs utilisent des croix et des points, mais puisque nous voulons présenter l’algorithme de Bjorklund qui lui utilise cette notation, nous utilisons directement la notation des nombres binaires.

[11] Cette notation peut être reprise par la notation numérique {0,3,6,10,12}₁₆ pour exprimer que les temps forts sont situés aux temps 0,3,6,10 et 12 sur un ensemble de 16 temps ou par (3,3,4,2,4) pour exprimer les intervalles de temps présents dans la séquence.

[12] Traduction libre de l’auteur de even.

[13] Évidemment, si le rythme n’est pas vide la distance maximale entre deux temps marqués vaut la partie entière de la moitié du nombre de temps présent dans le rythme.

[14] Pour rendre ce fait plus évident, en collant les 0 au-dessous des 1 au lieu d’à côté, on voir clairement apparaître la structure de la figure 7.

[15] Un second résultat important est qu’il est toujours possible de retirer des temps marqués d’un rythme Erdös profond de sorte que ce rythme conserve la propriété d’être Erdös profond.

[16] Tout comme si l’on prend le rythme profond 101011010101 et on le transforme en une succession de tons et demi-tons, nous obtenons la gamme majeur dont la popularité lui-vient peut-être de cette profondeur (Demain et al., p. 7)

[17] Puisque nous étudions les liens entre l’auditif et le visuel, il est intéressant d’ajouter que les résultats obtenus sont également les solutions au problème de trouver les pixels qui contiennent une droite du plan cartésien. Le problème est plus largement étudié dans le même article.

Chapitre 2.3 et 2.4:

[1] La forme de la traditionnelle portée est également mise à mal dans un travail de George Crumb qui transforme la partition pour lui donner de multiples formes pour la suite Makrokosmos.

[2] Il est possible d’avoir certain motifs rotationels de la sorte, mais seulement si ce n’est qu’une rotation des notes sur la portée comme dans un exemple tiré de la partition de Die Reihe 7 (1965) de Maurice Kugel (Hodges, p. 98).

[3] La notion de groupe en mathématique est importante et sera défini plus en détails dans la suite de ce texte.

[4] Notons qu’étrangement Hodges ne présente que cinq cas dans son article, contrairement à la définition du groupe de frises qui comporte sept combinaisons possibles. Cela est possiblement dû au fait que soit il considère que les deux cas qu’il ignore, la seconde et sixième ligne de la figure 10, sont équivalent à la première, soit il considère que géométriquement il est possible d’obtenir l’opération de réflexion glissée (glide reflexion) à partir d’une symétrie et d’une translation. En fait, pour le plan, toute transformation isométrique dans le plan est le résultat d’au plus trois réflexions (Stillwell 1992, p.10-12)

[5] Voici une petite animation de Michael Monroe : https://www.youtube.com/watch?v=36ykl2tJwZM

[6] Pour une analyse approfondie des symétries présentes dans L’offrande musicale voir le chapitre sur la musique dans l’ouvrage de Cucker.

[7] http://www.josleys.com/show_gallery.php?galid=349 et http://strangepaths.com/canon-1-a-2-2/2009/01/18/fr/. En fait, pour cette vidéo, xantox dit s’être inspiré de la réflexibilité en physique.

[8] https://www.youtube.com/watch?v=WkmPDOq2WfA

[9] Il n’est pas possible d’obtenir ce cylindre en trois dimensions, donc il reste plus simple de l’imaginer que de le construire.

Chapitre 2.5:

[1] Valeurs pour lesquelles le polynôme donne zéro.

[2] Petite note intéressante, les racines irrationnelles étaient nommées asamm par Al-Khwarizmi, c’est-à-dire sourde ou muette. Gérard Crémone a traduit le terme par le latin surdus. (Dahan-Dalmedico et Peiffer, p. 85)

[3] En particulier, il fit la découverte des groupes de symétrie des polyèdres. (Stillwell 1994, p. 127)

[4] Connue désormais comme le programme d’Erlanger suite à la fameuse conférence qu’y donna Félix Klein.

[5] L’axiome stipule que par un point extérieur à une droite il passe une et une seule droite parallèle à la première.

[6] Fini car il possède un nombre fini d’élément comme Z/12Z, et abélien car commutatif, i.e. a + b = b + a.

[7] Plus précisément un sous-groupe du groupe original.

[8] En fait, la question mena à plusieurs autres conjectures et hypothèses, dont celle de Rédei qui ommet la cyclicité du groupe (Szabó, p. 28) et celle de Furtwangler qui permet de recouvrements partiels entre les cubes (Andreatta 2011, p. 48-49)

[9] Regular Complementary Canons of Maximal Category

[10] Chaque temps est couvert une seule et unique fois.

[11] Notons que des recherches afin de permettre des pavages asymétriques ou non réguliers existent également pour le pavage du plan. Escher déjà dans ces notes personnelles développait des formes complexes pour ses pavages à partir d’un carré. Toute transformation devait de faire à l’opposé sur les arrêtes transversales, ou de manière similaire sur les arêtes longitudinales. (Schattschneider, p. 48) Cette méthode revient en fait à appliquer des transformations continues sur deux cercles sur le tore de sorte que ces cercles soient respectivement longitudinal et transversal, qu’ils ne possèdent qu’un point d’intersection et qu’il ne respecte pas le théorème de Jordan sur le tore. Cela découle du fait qu’un pavage carré du plan cartésien est également un espace de recouvrement pour le tore (Munkres, p. 339)

[12] Il passe par exemple par l’utilisation des transformations de Fourier discrètes appliquées aux groupes finis localement compacts.

[13] Afin d’obtenir ce résultat, il est possible de passer par un algorithme décrit par de Bruijn en 1955. L’article d’Andreatta offre la démarche complète afin d’obtenir ce résultat à partir de l’algorithme de de Bruijn.

[14] Les deux derniers ont trouvé 252 nouveaux canons pour Z/108Z. (Andreatta 2011, p. 52)

[15] Notons que les deux articles d’Emmanuel Amiot «À propos des canons rythmiques» et «Why Rhythmic Canons Are Interesting» offrent une liste explicite des résultats mathématiques qui sous-tendent l’ensemble des recherches sur les canons rythmique, et entre autre les canons de Vuza. Leur lecture est donc fortement conseillée pour quiconque cherche à approfondir sa compréhension des structures et théorèmes mathématiques qui nourrissent ces recherches.

[16] Cette pièce a été utilisée pour le film Eclipse de Pascal Signolet. Il serait intéressant de voir si la structure profonde de la pièce est mise en résonnance avec celle du film. Le long cycle des éclipses et le long cycle des canons de Vuza laissent entrevoir une telle possibilité.

[17] Il est possible d’écouter des extraits sur le site du compositeur.

[18] L’article de d’Andreatta (Andreatta, 2014) offre une belle introduction aux liens entre la théorie des groupes, des pavages, des progressions harmoniques représentées sur des cycles et les tonnentz.

Chapitre 3:

[1] Pour un exemple d’exploration dans cette direction, nous référons le lecteur à l’article fort intéressant de Carlton Gamer et Robin Wilson sur les gammes et la structures de plans projectifs référé dans la bibliographie.

[2] En termes plus mathématiques, cela revient au respect de trois conditions qu’en chaque point la fonction existe, que sa limite existe, et que la valeur de la fonction est celle de la limite.

[3] Il serait d’ailleurs intéressant de vérifier si la suite de Thue-Morse contient toute les instances possibles de rythmes aksak.

[4] Par exemple, pour une composition de Steve Gilliland basée sur la suite de Thue-Morse : https://www.youtube.com/watch?v=6VZq7EurckI

[5] Pour un ouvrage qui contient plusieurs exemples fractals en vertu de leur auto-similarité, voir le livre de Gabriel Pareyon.

[6] Ainsi que leurs formalisations dans un plus grand nombre de dimensions.

[7] https://www.youtube.com/watch?v=9P8C6-XqaNs

[8] Rouges qu’il est possible de trouver dans un article de J.-P. Allouche et Tom Johnson, «Nayrana’s Cows and Delayed Morphisms» paru dans les Cahiers du GREYC des Troisièmes Journées d’Informatique Musicale.

[9] Ce qui donne une structure similaire au groupe de Klein, tout comme le carré de Greimas.

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